Au Fond Des Ténèbres
Eidenböck Stangl, l’autre au nom de Renate Havel Stangl en répétant que c’étaient les deux seules à ce nom qu’il eût dans ses dossiers.
Frau Stangl dit : « Nous sommes allés ensemble nous inscrire au consulat d’Autriche en août 1954, sans raison spéciale, si ce n’est que nous estimions convenable et régulier d’être inscrits à notre consulat et que nous n’avions que trop négligé de le faire jusque-là. » (« La loi autrichienne ne fait pas une obligation de l’inscription, dit Herr Heller. C’est considéré par le consulat comme une mesure de courtoisie de sa part – un service rendu aux résidants à l’étranger. »
« Nous n’avions rien à leur demander à cette époque-là, dit Frau Stangl, ce n’est que bien plus tard, en 1957 et 1958, quand les filles se sont mariées, qu’il leur a fallu un certificat de citoyenneté ou un extrait de naissance de leur père – je ne sais plus lequel des deux –, et nous l’avons demandé. Le consulat ne nous a jamais rien refusé, ni à moi ni aux enfants. Autant que je me rappelle, quand nous sommes allés nous inscrire, l’employé nous a dit qu’il était auxiliaire ou intérimaire. Il nous a donné deux papiers à remplir. Mon mari mettait toujours beaucoup de temps et il était beaucoup plus circonspect que moi pour écrire ; et de toute façon, il ne se souvenait pas des dates avec précision [145] .
Ainsi je me rappelle qu’il était encore en train d’écrire alors que j’avais déjà fini et que je remettais mon formulaire. Mais je l’ai vu remplir le sien et j’ai vu l’employé le prendre. Je n’ai pas lu ce qu’il avait écrit. On n’avait pas l’habitude de donner des reçus d’inscription, c’est pourquoi nous ne pouvons pas fournir de preuve. »
Le nom de Stangl n’est pas rare en Autriche, et il est peu probable, il faut le reconnaître, qu’un employé ait pu avoir l’attention attirée par le nom. De la même façon, j’ai trouvé raisonnable le commentaire de Herr Otto Heller : « Si Simon Wiesenthal pensait que Stangl était à São Paulo, pourquoi au juste ne s’est-il pas adressé à nous ? Ça nous aurait fait consulter nos fiches, et nous aurions trouvé son nom) au moins sur le registre d’inscription de sa femme. »
Quoi qu’il en soit, au cours de mes recherches à Vienne (pour lesquelles je le dis ici, les autorités autrichiennes m’ont donné volontiers toute l’assistance requise), j’ai découvert qu’à partir de 1961, Stangl était sur la liste officielle autrichienne des « criminels recherchés » (liste communiquée à toutes les ambassades et à tous les consulats à l’étranger) sous le chiffre 34/34 Mord : Tatbestand Treblinka [146] . Et, selon Frau Stangl, son nom fut mis en vedette en 1964 dans les comptes rendus du procès de Treblinka publiés par la presse brésilienne et étrangère. Il semble donc pour le moins étrange, six années durant, entre la première apparition de son nom sur la liste des « Recherchés » et sa dramatique arrestation, le fait qu’il résidait au Brésil ouvertement n’ait jamais fait surface.
La très efficace police des étrangers (DOPS) a dû posséder sur lui des renseignements que les gouvernements autrichien et allemand auraient certainement pu obtenir par ce canal ; la « liste des recherchés » semble n’avoir jamais été pointée par le consulat autrichien de São Paulo bien que le nom de Stangl, on vient de le voir, ait figuré en évidence dans les comptes rendus de la presse du procès ; et personne, à Volkswagen, ne semble avoir été incité à poser de questions, alors que tout au moins ses collègues proches et la direction connaissaient son nom et devaient lire les journaux, on peut le penser. Dans tout ce contexte, on ne peut que s’étonner qu’il ait fallu attendre les efforts personnels de Herr Wiesenthal pour « découvrir » la « cachette » de cet homme qui ne s’était jamais caché.
5
« Quand c’est arrivé, le soir du 28 février 1967, dit Frau Stangl, j’avais vu un tas de voitures aux alentours. Notre rue en était pleine. Mais ce n’est qu’en y repensant que je me suis rendu compte que je les avais remarquées. Sur le moment, je n’avais rien pensé du tout. Renate était déjà rentrée. Isolde revenait avec Paul – ils s’étaient arrêtés au retour pour prendre une bière dans un bar. J’ai entendu un brouhaha au dehors et je suis allée à la
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