Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
Vom Netzwerk:
fenêtre. Des voitures de police placées en travers bloquaient la rue aux deux bouts ; notre voiture était encerclée par une masse de policiers. Paul a été arraché de son siège – menottes aux mains. Isi était tombée et nous appelait au secours. C’est elle que j’ai entendue et qui m’a fait courir à la fenêtre, mais la voiture de police où Paul avait pris place suivie par une file d’autres, était déjà loin avant que j’aie eu le temps d’ouvrir la porte. L’émotion avait presque fait perdre la tête à Isi. Elle a dit que le visage de Paul était devenu couleur safran quand la chose s’était produite.
    « Nous avons téléphoné à Gitta, puis nous sommes allés à la recherche de Paul de commissariat en commissariat, mais personne ne savait rien. Pour finir, nous sommes allées à la DOPS. Ils ont dit que nous devions nous féliciter qu’ils l’aient arrêté, eux. S’ils ne l’avaient pas fait, ce sont les Israéliens qui l’auraient ramassé. Après ça, tout ce que nous avons su était ce que nous lisions dans les journaux.
    « Aux environs de mai, nous avons lu qu’il avait été transféré à Brasilia, nous y sommes donc allées. Il était dans une prison militaire. Il avait l’air – oh ! terriblement mal en point, très très bas. Et il a dit que c’était affreux. Il a pleuré. Je l’ai questionné sur Treblinka ; on avait dit tant de choses dans les journaux vous comprenez. “Je ne sais pas quelles photos tu as vues, a-t-il dit, ce sont peut-être des photos d’autres camps…” avait l’air si effondré que je ne pouvais penser qu’à le consoler. Je n’avais plus qu’un désir : être pour lui quelqu’un sur qui il pouvait compter, et s’appuyer.
    « Les enfants m’avaient accompagnée en se relayant au volant. Il a été admirable avec elles, tout le temps qu’elles ont été dans la pièce, il n’a pas fléchi, pas pleuré, il leur a souri, les a raccompagnées jusqu’à la grille et leur a fait des signes d’adieu. Mais naturellement, c’était la première fois qu’elles prenaient contact avec cette réalité : le voir ainsi en prison a été pour elles une expérience traumatisante. C’est après ça que Brigitte est devenue si malade.
    « Ensuite, je suis retournée le voir deux ou trois fois. Et le 22 juin, il a été extradé.
    « Les deux années à Brooklin avaient été nos années brésiliennes les plus heureuses. Nous avions des amis – surtout les amis que s’étaient faits les enfants chez Volkswagen, mais qui étaient devenus nos amis à nous aussi : des Hongrois, des Hollandais, des Brésiliens. Non, je ne me souviens pas d’amis allemands. Je ne crois pas que le Dr. Schulz-Wenk ait connu notre existence à ce moment-là. » [Le Dr. Schulz-Wenk, alors directeur de Volkswagen, S.A., est un de ceux dont on a dit ! qu’ils aidaient les anciens nazis.]
    « Après que Paul eut été ramené en Allemagne, nous sommes retournées à Sao Bernardo. C’était la seule décision raisonnable ; nous n’avions plus que les salaires des deux filles et ma petite rente – 200 cruzeiros. Nous savions qu’il nous faudrait beaucoup d’argent pour la défense de Paul. En sous-louant la maison de Brooklin et en retournant vivre modestement à São Bernardo, nous avions une chance de nous en tirer. Nous y sommes revenues en octobre 1967.
    « Tout le monde s’est écarté de nous après l’événement. Tous les gens que nous connaissions à Volkswagen et tous les autres. Grâce à Dieu, on a laissé les filles garder leur emploi – nous en avons été reconnaissantes. Il paraît que le Dr. Schulz-Wenk aurait dit : “Les filles n’y sont pour rien” : c’est à ce moment-là qu’il a connu notre existence, vous savez, mais pas avant. »
    C’est à cette époque que Frau Stangl reçut la visite de l’Autrichien, Gustav Wagner, qui avait été à Hartheim et à Sobibor avec Stangl et s’était évadé d’Autriche avec lui. Suchomel m’avait dit que les deux hommes étaient « amis intimes ». Quand Stangl m’avait parlé de son angoisse en lisant les « quarante pages d’attaques » écrites par Stanislaw Szmajzner contre lui, je lui avais fait remarquer que deux pages seulement du livre lui étaient consacrées, alors que Szmajzner exprimait beaucoup plus d’amertume et d’horreur à l’encontre de Wagner. « Vraiment ? avait dit Stangl, et pourtant ils vivent maintenant côte à côte au

Weitere Kostenlose Bücher