Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
Vom Netzwerk:
de l’antisémitisme profond de larges couches de la population, qu’il y eut nombre d’exemples authentiques de familles – comme celle mentionnée par Pani Gerung – qui prodiguèrent une telle aide. Quelques enfants juifs furent cachés également dans des couvents par des sœurs, alors que l’Église catholique en Pologne était persécutée considérablement, plus que n’importe où ailleurs en Europe ; quatre-vingt-quinze pour cent des prêtres détenus en camps de concentration étaient polonais. Dans l’Histoire de l’aide aux Juifs en Pologne occupée, ouvrage patronné par le gouvernement polonais, l’écrivain Wladyslaw Bartoszewski (qui n’a pas pour autant épousé complètement la ligne du parti) cite de nombreux exemples ; son récit est peut-être d’autant plus convaincant que le nombre des Juifs polonais sauvés, selon lui, par des compatriotes est si lamentablement faible qu’il souligne lourdement l’héroïsme de quelques-uns qui ont voulu ou se sont sentis capables de prendre le risque.
    On avait du mal à se souvenir de l’antisémitisme polonais en parlant à ce couple originaire de cette région même – l’extrémité orientale de la Pologne – où il a été le plus effréné. Leur manière de s’exprimer, le soin qu’ils apportent à l’entretien du mémorial de Sobibor, et à la conservation des souvenirs qu’ils ont réunis (deux drapeaux, quelques documents, une carte du camp et le livre d’or des visiteurs aux signatures pathétiquement rares) expriment la vénération et la sensibilité.
    Au procès de Stangl, ses activités à Sobibor, pour des raisons administratives, ne furent pas comprises dans l’accusation. Cependant son comportement et son attitude à cette période étaient consignés dans les dossiers du procès et un des faits rapportés par chacun des rares survivants de Sobibor qui vinrent témoigner à Düsseldorf était que souvent il assistait au déchargement des wagons “en costume de cheval blanc”. C’est quand il a essayé de s’en expliquer que je me suis rendu compte pour la première fois comment il avait vécu – et comment il vivait encore en me parlant – à deux niveaux de conscience, morale et psychologique.
    « Quand je suis arrivé en Pologne, me dit-il, j’avais peu de vêtements : un uniforme complet, un manteau, un pantalon et une paire de chaussures de rechange et une veste d’intérieur, c’est tout. Je me souviens que, pendant ma première semaine là-bas, comme je me rendais de la cabane forestière – mes quartiers – à une des constructions en cours, il m’est venu tout à coup des démangeaisons partout. J’ai cru devenir fou – c’était abominable ; je ne pouvais m’arrêter nulle part sans me gratter jusqu’au sang. Michel m’a dit : “Personne ne vous a averti ? Ce sont des mouches de sable [54] il y en a partout. Vous n’auriez pas dû venir sans bottes.” [Cela semblerait indiquer que Michel était sur place avant lui.] J’ai bondi dans ma chambre pour enlever tous mes vêtements – je me revois passant tout le tas de vêtements à un gars qui attendait dehors – et ils ont tout étuvé et désinfecté. Tous mes vêtements et presque chaque pouce de ma peau étaient couverts de ces bêtes, elles s’accrochaient à tous les poils du corps. J’ai fait apporter de l’eau et je me suis baigné et rebaigné. »
    À ce propos il était difficile de ne pas se souvenir que dans ces camps, les prisonniers retenus comme “ouvriers juifs” devaient se tenir au garde-à-vous, tête nue, lorsqu’un Allemand passait. Quiconque bougeait, pour quelque raison que ce soit – crampes, démangeaisons ou toute autre cause – risquait fort d’être battu ou fouetté et les conséquences pouvaient aller beaucoup plus loin que la souffrance immédiate : tout prisonnier qui, à l’appel, était – comme ils le disaient – “marqué” ou “estampillé” devenait sans délai un candidat à la chambre à gaz.
    Ces insectes devaient être un horrible problème pour les prisonniers n’est-ce pas ? lui ai-je demandé.
    « Tout le monde n’était pas aussi sensible que moi. Ils m’aimaient bien, quoi, répondit-il en souriant. Quoi qu’il en soit, ce que je voulais vous dire c’est qu’avec l’usure et la chaleur, il faisait chaud vous savez, mes vêtements sont vite partis en lambeaux. Et un jour, dans une petite ville toute proche, j’ai découvert un tisserand, ça m’a

Weitere Kostenlose Bücher