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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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ignoré ; il est resté plusieurs jours et a tout organisé. La moitié des travailleurs ont été affectés aux chambres à gaz afin de les terminer. »
    Pendant que Wirth organisait, que faisiez-vous ?
    « Je continuais à m’occuper des autres constructions, me répondit-il d’un ton las. Et un après-midi, l’adjoint de Wirth, Oberhauser, est venu me chercher [50] . Je devais aller à la chambre à gaz. Quand je suis arrivé, Wirth se tenait devant le bâtiment, s’essuyant le front et furibond. Michel m’a raconté plus tard qu’il avait surgi soudainement, avait fait le tour des chambres à gaz, sur lesquelles on travaillait encore et qu’il avait dit : “Bien, on l’essaye tout de suite avec ces vingt-cinq travailleurs juifs. Amenez-les.” On a fait défiler nos vingt-cinq Juifs et on les a poussés dedans et ils ont été gazés. Michel disait que Wirth était comme fou, cognant sur son propre personnel avec son fouet, pour l’activer. Et maintenant, il était blême parce que les portes n’avaient pas été convenablement ajustées. »
    Qu’est-ce qu’il vous a dit ?
    « Oh ! simplement il poussait des cris, tempêtait et hurlait que les portes devaient être changées. Ensuite il est parti. »
    Après son départ, qu’est-ce que vous avez fait ?
    « La même chose ; j’ai continué la construction du camp. Michel avait été nommé responsable du passage par les gaz. »
    Nommé par qui ?
    « Par Wirth. »
    Ainsi, à partir de ce moment-là, l’extermination avait réellement commencé, ça se produisait sous vos yeux. Que ressentiez-vous ?
    « À Sobibor, on pouvait s’arranger pour ne voir presque rien, ça se passait loin des bâtiments du camp. Ma seule idée, c’était de filer. Je combinais, recombinais, faisais des plans et encore des plans. J’avais entendu parler d’une nouvelle unité de police à Mogilev. Je suis allé encore une fois à Lublin et j’ai rempli une demande de mutation. J’ai demandé à Höfle de m’aider à obtenir l’accord de Globocnik. Il m’a dit qu’il ferait ce qu’il pourrait mais je n’en ai plus jamais entendu parler. Deux mois plus tard – en juin – ma femme m’a écrit qu’on lui avait demandé de donner l’âge des enfants : on leur accordait une visite en Pologne. »

3
    La date exacte à laquelle Sobibor devint pleinement opérationnel n’est pas tout à fait certaine, entre le 16 et le 18 mai 1942. Ce qui est certain, en revanche, c’est que pendant les deux premiers mois, période où Stangl administrait le camp, 100 000 personnes environ furent tuées. Peu après, l’installation tomba en panne un moment et les exterminations ne reprirent qu’en octobre.
    Je suis allée à Sobibor en voiture en passant par Lublin, par un froid vendredi de mars 1972. Et nous avons dépassé l’emplacement du camp avant de réaliser que c’était là. Il est indiqué par un monument de pierre brun clair, de trois mètres de haut, sur lequel sont gravés ces mots : « En ce lieu, de mai 1942 a octobre 1943 a existé un camp d’extermination de Hitler. Dans ce camp 250 000 Russes, Polonais, Juifs et Tziganes furent assassinés [51] . Le 14 octobre 1943 une rébellion armée survint à laquelle prirent part quelques centaines de prisonniers qui, après un combat avec les gardes de Hitler, parvinrent à s’enfuir. » La gare est en face du monument. Le bâtiment a dû être restauré, mais la maison forestière – construite en bois et peinte en vert et marron foncé – où vivait Stangl, semble n’avoir pas changé. Elle est habitée, maintenant, par deux familles de forestiers et la petite pièce dans laquelle Stangl travaillait et dormait est toujours une chambre. Elle donne sur la voie ferrée, comme dans le camp sous le nom de “la rampe”. Les convois devaient s’arrêter plutôt un peu en arrière de sa fenêtre, mais il lui aurait été impossible de s’arranger pour ne pas les voir.
    Le site – environ une soixantaine d’hectares de forêt – est silencieux. De gros bouquets de pins et d’arbres divers sont suffisamment fournis même au mois de mars, pour cacher les espaces libres. Il fait sombre dans les bois et l’air est humide et sent le moisi. Franz Suchomel a précisé : « À Sobibor on ne pouvait plus tuer après la fonte des neiges car tout était sous l’eau. C’était déjà très humide à la belle saison, mais alors ça devenait un lac. »
    Il y a une route de dix mètres

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