Au Pays Des Bayous
servi, de 1757 à 1759, dans l'armée autrichienne avant de changer une nouvelle fois d'uniforme et de passer dans l'armée française, pour se distinguer à la bataille de Minden. Sa conduite héroïque ayant été remarquée par le duc de Broglie, ce dernier le recommanda au roi d'Espagne qui le nomma lieutenant-colonel. Devenu major général pendant la guerre de Sept Ans, il fut chargé, la paix signée, de réorganiser l'armée. C'est en 1765 qu'il s'était attiré la faveur royale en protégeant efficacement Charles III, menacé par la foule qui assiégeait le palais.
Sa désignation comme commandant général et gouverneur de la Louisiane, le 16 avril 1769, le trouva tout disposé à jouer le rôle qu'on attendait de lui. Ayant promptement concentré à La Havane une flotte capable de transporter deux mille six cents hommes bien armés, il mit à la voile et les premiers navires se présentèrent le 20 juillet à la Balise, où personne ne les attendait. O'Reilly, qui ne disposait pour le moment que de deux bataillons, expédia une estafette au capitaine Aubry, lui demandant de dissuader les Français de toute résistance et le priant d'informer les habitants de La Nouvelle-Orléans qu'une force espagnole considérable remontait le Mississippi. Cette préparation psychologique était bien inutile. Les Louisianais n'avaient aucune envie de se battre et la plupart d'entre eux, écœurés par l'anarchie et la misère qui régnaient dans la colonie – on avait créé un établissement de prêt sur gage et accepté sans honte des secours envoyés par le gouverneur de La Havane –, n'aspiraient qu'à redevenir sujets du roi d'Espagne, puisque le roi de France n'avait pas voulu d'eux et que la république restait une aimable utopie. Aussi est-ce sans avoir tiré un coup de feu que, le 18 août, le général O'Reilly prit, avec trois cents hommes, possession de la colonie. Ayant compté vingt-trois vaisseaux, dont les canons étaient pointés sur la ville, et vu débarquer les troupes « avec un ordre et un appareil redoutable », les habitants de La Nouvelle-Orléans reçurent courtoisement le vengeur de Ulloa et l'invitèrent à entendre dans leur église un Te Deum qui ressemblait fort à une manifestation spontanée d'allégeance. Sans attendre, O'Reilly, qui possédait tout l'esprit de décision dont avait manqué Ulloa, fit hisser partout les couleurs espagnoles, s'installa à l'hôtel du gouverneur, envoya sa troupe occuper les casernes et constata que bien peu de Français s'étaient enfuis de la ville pour chercher refuge chez les Anglais, comme ils avaient prétendu le faire. Le procureur général La Fresnière, Foucault, Marquis, Caresse et Milhet vinrent saluer le condottiere et solliciter la clémence d'un si prestigieux représentant du roi d'Espagne.
O'Reilly parut entendre cet appel et fit afficher, le 21 août, une proclamation rassurante pour la population :
« En vertu des ordres et pouvoirs dont nous sommes munis de Sa Majesté Catholique, déclarons à tous les habitants de la province de la Louisiane que, quelque juste sujet que les événements passés ayent donnés [sic] à Sa Majesté de leur faire sentir son indignation, Elle ne veut écouter aujourd'hui que la clémence envers le Public, persuadée qu'il n'a péché que pour s'être laissé séduire par les intrigues de gens ambitieux, fanatiques et mal intentionnés, qui ont témérairement abusé de son ignorance et trop de crédulité ; ceux-ci répondront de leurs crimes et seront jugés selon les lois.
« Un acte aussi généreux doit assurer Sa Majesté que ses nouveaux sujets s'efforceront chaque jour de leur vie de mériter par leur fidélité, zèle et obéissance, la grâce qu'Elle leur fait et la protection qu'Elle leur accorde, dès ce moment. »
Tous les habitants, civils et militaires, respirèrent, sauf les meneurs de la révolution de 1768 dont le cas était évoqué dans la proclamation.
O'Reilly, qui désirait mener les choses rondement et faire sentir son autorité, avait écrit à Aubry deux jours plus tôt pour le sommer de donner, par retour du courrier, les identités des auteurs de la conspiration. La sécheresse de ton du mercenaire irlandais contrastait singulièrement avec l'humeur pateline qu'il avait montrée à son arrivée. « Il est très essentiel que je sache la personne qui écrivit, qui imprima et avec quelle autorité et permission furent formés, imprimés, et répandus au public
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