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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Cet homme, très écouté à Versailles, était aussi l'amant d'une femme de tête qui détestait Mme de Ulloa. La belle Alexandrine, née de La Chaise, que la mort de son mari, M. de Pradel, avait rendue à une totale indépendance, organisait les réunions des protestataires.
    M. de Ulloa, qui disposait d'informateurs, dont le capitaine Aubry, que les rebelles considéreront plus tard comme traître à leur cause, eut vite connaissance de l'agitation et de l'identité des agitateurs. Il comprit qu'un véritable complot était en cours quand il apprit que ses instigateurs avaient rendu visite au général Frederic Haldiman, commandant des troupes anglaises à Pensacola, afin d'obtenir la protection britannique. Craignant des troubles, le gouverneur espagnol tenta de calmer les esprits en expliquant que les décrets du mois de mars ne visaient pas à réduire le commerce de la colonie, qu'il fallait se méfier des racontars des marchands, que l'interdiction du vin de Bordeaux constituait un prétexte ridicule, etc.
    Ces déclarations lénifiantes ne furent d'aucun effet, le texte du décret étant sans ambiguïté. D'autres notables rejoignirent bientôt les rangs des mécontents : Jean Milhet et Pierre Caresse, tous deux capitaines de la milice, Pierre Marquis, ancien officier du régiment suisse devenu planteur, Joseph de Villeré, beau-père de La Fresnière et capitaine des Allemands, François de La Barre, commandant de poste du Détour-aux-Anglais et membre du Conseil supérieur, François Chauvin de Léry, commandant de poste chez les Tchapitoula et cousin de La Fresnière, et d'autres dont il serait fastidieux de donner la liste.
    Au commencement du mois d'octobre, La Fresnière présenta au Conseil supérieur de la colonie une longue pétition des Louisianais, Mémoire des habitants et négociants de la Louisiane , dont l'avocat Julien-Jérôme Doucet était le principal rédacteur. Ce document fut imprimé « à La Nouvelle-Orléans, chez Denis Braud, imprimeur du roi », expédié à Versailles et répandu dans toute la colonie. Après avoir respectueusement demandé au roi « qu'il suspende pour quelques moments ses pénibles travaux, pour se livrer aux sujets qui sont représentés aujourd'hui, comme les plus dignes de son attention et de son ministre », les habitants, négociants, artisans « et autres peuples » exprimaient à nouveau leur déception et leur chagrin d'avoir été livrés au roi d'Espagne et formulaient toutes les critiques réunies à l'encontre de l'administration espagnole. Ils réclamaient le retour des privilèges dont avait toujours joui la colonie, le rétablissement de la liberté de commerce et aussi, ce qui constituait l'exigence la plus grave, « que M. de Ulloa soit déclaré infractaire [sic] et usurpateur, en plusieurs points, de l'autorité dévolue au Gouvernement et au Conseil, puisque toutes les lois, ordonnances et coutumes veulent que cette autorité ne soit exercée par aucun officier, qu'après qu'il aura rempli toutes les formalités prescrites, et c'est à quoi M. de Ulloa n'a point satisfait ». Suivaient les considérations justificatives découlant de l'étrange situation d'une colonie dont les Espagnols n'avaient jamais pris officiellement possession, ce qui leur interdisait juridiquement toute intervention dans les affaires intérieures du pays. Et les Louisianais d'exiger sur le même ton de leur Conseil supérieur, toujours en fonction, « l'éloignement de M. de Ulloa, auquel il doit être enjoint de s'embarquer dans le premier bâtiment qui partira, pour se rendre où bon lui semblera, hors de la dépendance de cette province ». Tous les officiers espagnols devraient également quitter la Louisiane.
    Ce texte, signé par cinq cent trente-six habitants, fut naturellement reçu par le Conseil supérieur, soumis au procureur du roi et approuvé par le tribunal. En foi de quoi les treize membres de l'assemblée coloniale se prononcèrent dans ces termes : « Le Conseil, par sa prudence ordinaire, se trouve obligé d'enjoindre, comme de fait il enjoint, à M. de Ulloa de sortir de la colonie sous trois jours pour tout délai, soit dans la frégate de S.M.C. [Sa Majesté Catholique] sur laquelle il est venu, ou dans tel autre bâtiment qui lui paraîtra convenable, et d'aller rendre compte de sa conduite à S.M.C. »
    Avant d'apposer son paraphe sous la formule « Par le Conseil », le greffier en chef Garic avait ajouté « Donné en

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