Azincourt
nos ennemis ! (Un murmure parcourut de nouveau la
foule.) Avec votre aide et votre force ! Nous vaincrons aujourd’hui !
(Il y eut un bref silence, puis les archers poussèrent des vivats. Le roi
attendit qu’ils décroissent, puis :) J’ai offert la paix à notre
ennemi ! Je lui ai demandé de m’accorder ce qui me revient de droit en
échange de la paix, mais il n’y a nulle paix dans son cœur ni merci dans son
âme et c’est pourquoi nous sommes ici pour le jugement ! (Il se détourna
un instant des archers et contempla le champ entre les deux armées.) Je vous ai
amenés ici, continua-t-il, à ce champ de France, mais je ne vous y abandonnerai
point ! Je suis, par la grâce de Dieu, votre roi, mais en ce jour je ne
suis pas davantage ni moins que vous. Aujourd’hui, je combattrai pour vous et
je vous confierai ma vie ! (Il leva la main pour interrompre les
acclamations qui redoublaient.) Si vous trépassez ici, il en sera de même pour
moi ! Je ne serai point captif ! Mais je ne m’attends ni à mourir ni
à être fait prisonnier, car je vous demande seulement de combattre pour moi
aujourd’hui comme je combattrai pour vous ! (Il étendit la main d’un geste
qui embrassa tous ses hommes. Son cheval se cabra, mais il le retint
adroitement.) Aujourd’hui, nous combattons pour nos foyers, nos épouses, nos
mères, pères et enfants. Pour nos vies, et pour l’Angleterre !
Aujourd’hui, nous sommes des frères ! Nous sommes nés en Angleterre, en
pays de Galles, et je jure par la lance de saint George et la colombe de saint
David que je vous ramènerai chez vous en Angleterre et en Galles avec une
gloire nouvelle sur vos noms ! Combattez comme Anglais ! Je ne vous
demande point davantage. Et je promets que je combattrai à vos côtés et pour
vous. Je suis votre roi, mais aussi votre frère, et je jure sur mon âme
immortelle que je n’abandonnerai point mes frères ! Dieu vous garde, mes
frères !
Et sur ces mots, le roi tourna son
cheval et alla faire le même discours à ses hommes d’armes.
— Par Dieu, dit Will du Dale,
mais il pense vraiment que nous allons gagner !
Et à l’autre bout du champ, une
rafale de vent souleva la soie rouge de l’oriflamme au-dessus des lances. Pas
de prisonniers.
Et les Français ne bougeaient
toujours pas. Les archers avaient fini par s’asseoir sur le sol détrempé.
Certains même dormaient. Les prêtres continuaient d’apporter l’absolution. Le
père Christopher écrivit sur le front de Mélisande le talisman du nom de Jésus.
— Tu resteras avec le convoi de
l’intendance, lui dit-il.
— Je le ferai, mon père.
— Et garde ton cheval sellé,
lui conseilla-t-il.
— Pour m’enfuir ?
— Pour t’enfuir.
— Et revêts le surcot de ton
père, ajouta Hook.
— Je le ferai, promit-elle.
(Elle le sortit de la besace qui contenait tous ses biens et le déplia.)
Donne-moi ton couteau, Nick. (Elle prit la dague des archers, coupa une lanière
d’étoffe au bas du vêtement et la lui tendit.) Tiens.
— Je dois la porter ?
— Bien sûr, répliqua le père
Christopher. C’est ce que fait un soldat. Il porte les couleurs de sa dame.
Il désigna les hommes d’armes
anglais qui portaient pour la plupart un mouchoir de soie ou une faveur à leur
cou. Hook en fit autant et la prit dans ses bras.
— Tu as entendu le roi, dit-il.
Dieu est à nos côtés.
— J’espère que Dieu le sait,
répondit-elle.
— Je le prie également, dit le
père Christopher.
Soudain, il y eut un mouvement. Non
pas du côté des Français, mais d’un groupe d’hommes d’armes anglais qui étaient
montés à cheval et passaient devant les premières lignes.
— Nous allons avancer !
cria l’un d’eux. Prenez vos épieux !
— Compagnons ! s’écria le
roi en personne en se haussant sur ses étriers. Allons !
— Oh, mon Dieu… fit Mélisande.
— Retourne avec l’intendance,
lui enjoignit Hook en extirpant son épieu de la terre gluante. Va, mon amour.
Rien ne m’arrivera. Aucun Français ne peut me tuer.
Il n’en pensait pas un mot, mais il
se força à sourire pour la rassurer. Son ventre se nouait. La peur le glaçait.
Il se sentait fragile et faible, mais il parvint à dégager son épieu et le posa
sur son épaule. Sans un regard pour Mélisande, il se mit en marche dans la boue
épaisse comme tous ses compagnons. Ils avançaient à une lenteur pitoyable, pas
après pas, au-devant des Français qui
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