Azteca
entrer dans une salle du bas où mes sept compagnons
étaient en train de dévorer un repas froid qu’elle leur avait préparé à la
hâte. Lorsque nous fûmes tous rassasiés, ils m’aidèrent à faire pivoter la
fausse cloison de la pièce pour mettre les paquets dans la cachette située
derrière où j’avais déjà entreposé certaines marchandises. Ensuite je leur réglai
la dernière partie de ce que je leur devais et même davantage que promis car
ils m’avaient donné la plus grande satisfaction. Ils embrassèrent la terre en
me quittant, après m’avoir fait juré de faire appel à eux quand j’aurais
d’autres projets qui conviendraient à sept vieux guerriers contraints par la
paix à l’inaction.
A l’étage, je notai que l’architecte avait scrupuleusement suivi les
indications que je lui avais fournies concernant l’aménagement du cabinet de
toilette qui était aussi complet et doté du même système d’évacuation que ceux
que j’avais eu l’occasion d’admirer dans les palais. Dans l’étuve adjacente,
Turquoise avait déjà disposé les pierres chauffées au rouge et quand j’eus pris
un premier bain, elle versa de l’eau dessus pour dégager des nuages de vapeur.
Je restai là, à transpirer un bon moment, puis je retournai dans le bain,
jusqu’à ce que je sois sûr que toute la poussière, toute la crasse et l’odeur
du voyage aient évacué chaque pore de ma peau.
Alors, complètement nu, j’ouvris la porte de communication avec la
chambre à coucher et j’y trouvai Zyanya, nue également, nonchalamment étendue
sur une pile d’édredons mœlleux. La pièce n’était éclairée que par le
rougeoiement du brasero qui se reflétait sur la mèche blanche de sa chevelure et
soulignait le contour de ses seins. Chacun d’eux faisait un mont
merveilleusement symétrique, couronné par celui plus petit de l’aréole,
exactement semblable au profil du Popocatépetl que vous apercevez par la
fenêtre, Seigneurs Frères, un cône sur un autre cône. Non, bien sûr, je n’ai
aucune raison de vous régaler de tous ces détails ; c’est seulement pour
vous expliquer pourquoi mon souffle s’altéra au moment où je m’approchai d’elle
et je ne lui dis que ces quelques mots :
« Béu va bien. J’ai d’autres choses à te dire, mais ça peut
attendre.
— Oui, ça peut attendre », me répondit-elle en souriant et en
me prenant dans ses bras.
Ce n’est donc qu’un peu plus tard que je lui appris que Béu, bien que
saine et sauve, était terriblement malheureuse. J’étais content que nous ayons
d’abord fait l’amour, car cela avait plongé Zyanya dans la langueur habituelle
que procure le plaisir et la satisfaction qui, je l’espérais, adoucirait les
nouvelles que j’avais à lui annoncer. Je lui parlai de la malencontreuse histoire
avec l’officier mexica, en tâchant de la faire sonner davantage comme une farce
que comme une tragédie, ce que Béu, elle-même, avait fait.
« Je crois que c’est son orgueil entêté qui la fait rester là-bas,
à tenir son auberge. Elle a décidé de ne prêter aucune attention à ce que les
gens pourront penser d’elle, mépris ou pitié. Elle ne quittera pas Tehuantepec,
même pour mener ailleurs une existence plus agréable, parce qu’on pourrait
alors penser que c’est une marque de faiblesse de sa part.
— Pauvre Béu, murmura Zyanya. Est-ce qu’on ne peut vraiment rien
faire pour elle ? »
Je gardai pour moi mon opinion personnelle sur la « pauvre
Béu » et, après avoir réfléchi un moment, je lui dis : « Je ne
vois que l’éventualité où tu serais toi-même en difficulté. Si son unique sœur
avait désespérément besoin d’elle, je crois qu’elle viendrait. Mais ne tentons
pas les dieux, ne parlons pas de malheur. »
Le lendemain, Ahuizotl me reçut dans la salle du trône et je lui
débitai la petite histoire que j’avais préparée : j’étais allé voir si la
sœur de ma femme n’avait pas souffert du sac de Tehuantepec et j’en avais
profité pour continuer un peu plus vers le sud pour chercher un autre lot de
ces cristaux magiques. Je lui fis à nouveau et en grande cérémonie, présent d’un
autre quartz et il me remercia chaleureusement. Puis, avant de passer à un
sujet qui, j’en étais sûr, allait faire naître des flammes dans son terrible
regard, je tâchai d’adoucir un peu son humeur :
« Seigneur Orateur, mon voyage m’a amené sur la côte du
Xoconochco,
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