Azteca
d’où nous vient la plus grande partie de notre coton et de notre
sel. J’ai passé deux jours chez les Marne, dans le bourg de Pijijia et les
Anciens m’ont admis à leur Conseil. Ils m’ont chargé d’apporter un message au
Uey tlatoani des Mexica.
— Quel est ce message ? me demanda-t-il, d’un ton détaché.
— Sachez d’abord, Seigneur Orateur, que le Xoconochco n’est pas
une nation, mais un vaste territoire très fertile, habité par plusieurs
peuples : les Marne, les Mixe, les Comiteca et d’autres tribus de moindre
importance. Les terres de chacune d’entre elles se chevauchent, et elles
reconnaissent uniquement l’autorité des Anciens, comme à Pijijia. Le Xoconochco
n’a pas de gouvernement central et pas d’armée permanente.
— Pas très intéressant », grommela Ahuizotl.
Je poursuivis : « A l’est de ce pays riche et fertile,
s’étend la jungle stérile du Quautemàlan, le Bois Enchevêtré. Ses habitants,
les Quiche et les Lacandon, sont les descendants dégénérés des Maya. Ils sont
pauvres, sales et paresseux et par conséquent on les a toujours traités par le
mépris. Pourtant, récemment, ils ont rassemblé toutes leurs énergies pour
sortir de chez eux et effectuer des incursions dans le Xoconochco. Ces pillards
menacent de faire des sorties de plus en plus fréquentes qui finiront par
dégénérer en une guerre incessante, s’ils n’acceptent pas de leur verser un
tribut important en sel et en coton.
— Un tribut ? gronda Ahuizotl, enfin intéressé. Notre sel et notre coton !
— Oui, Seigneur. Et il ne faut pas s’attendre à ce que de
paisibles cultivateurs de coton, des pêcheurs et des sauniers opposent une
résistance farouche pour défendre leur territoire. Cependant, il leur reste
assez de fierté pour se révolter contre ces exigences. Ils ne sont pas prêts à
donner aux Quiche et aux Lacandon ce qu’ils vendent avec profit aux Mexica. Ils
pensent que notre Orateur Vénéré sera, lui aussi, indigné par leurs
prétentions.
— Epargne-moi ces remarques évidentes, grogna Ahuizotl. Que
proposent les Anciens ? Que nous fassions pour eux la guerre au
Quautemàlan ?
— Non, Seigneur. Ils proposent de nous donner le Xoconochco.
— Quoi ! s’exclama-t-il, sincèrement suffoqué.
— Si le Uey tlatoani accepte les terres du Xoconochco comme une
nouvelle province, tous les petits chefs se démettront de leur charge, toutes
les tribus renonceront à leur identité particulière et tout le monde prêtera
serment de fidélité à Tenochtitlán. Ils ne demandent que deux choses :
qu’on leur permette de continuer à vivre et à travailler tranquillement comme par
le passé et qu’on leur donne un salaire pour leur travail. Les Marne
souhaitent, ainsi que toutes les tribus voisines, qu’un noble mexica soit
désigné comme gouverneur et protecteur du Xoconochco et qu’on y établisse une
importante garnison. »
Pour une fois, Ahuizotl avait l’air content et même ravi. Il murmura
pour lui-même : « Incroyable. Une terre si riche qui s’offre de son
plein gré. » Il s’adressa à moi avec plus de chaleur qu’il ne m’en avait
jamais témoigné. « Tu n’es pas toujours une cause de soucis et de
problèmes, jeune Mixtli. » Il continua à penser tout haut : « Ce
serait la plus lointaine possession de la Triple Alliance. En y plaçant une
armée, nous tiendrions la plus grande partie du Monde Unique, d’une mer à
l’autre, dans un étau. Les nations ainsi enserrées hésiteraient plus que jamais
à se rebeller, de peur que l’étau ne se referme sur elles pour les broyer.
Elles seraient inquiètes, obéissantes et serviles.
— Puis-je me permettre de souligner un autre avantage, Seigneur
Orateur ? Cette armée sera loin de chez nous, mais elle n’aura pas à
dépendre des convois de ravitaillement de Tenochtitlán. Les Anciens Marne ont
promis de prendre à leur charge la totalité de l’entretien des troupes. Les
soldats vont être comme des coqs en pâte au Xoconochco.
— Par Huitzili, c’est chose faite ! s’écria Ahuizotl. Nous
devons au préalable présenter la proposition à notre Conseil, mais ce ne sera
qu’une formalité.
— Sa Seigneurie pourrait également dire au Conseil qu’une fois la
garnison installée, les familles pourront aller la rejoindre. Puis, les
marchands suivront. Ensuite, d’autres Mexica qui souhaiteront quitter la région
des lacs surpeuplée pourront s’établir
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