Azteca
nécessité de
leur imposer cette ascension. Nous convînmes, donc, d’un jour et d’un endroit
précis pour nous retrouver dans le désert de l’isthme de Tehuantepec ;
ainsi ils n’auraient pas besoin de forcer l’allure. Je leur conseillai d’éviter
les villages et les rencontres avec d’autres voyageurs, car un groupe de
porteurs sans chef risquait de susciter l’étonnement et même une inspection en
règle. Aussi, lorsque nous fûmes à une bonne distance de Pijijia, mes sept
hommes prirent-ils la direction de l’ouest pour rester dans la plaine de
Xoconochco, tandis que je partais vers le nord, à travers les montagnes.
J’en redescendis enfin pour arriver dans la modeste capitale des Chiapa
et j’allai tout droit à l’atelier de maître Xibalbá.
« Ah ! me dit-il, tout heureux de me voir. Je savais bien que
vous alliez revenir, aussi, j’ai rassemblé tous les quartz que j’ai pu trouver
pour en faire des cristaux à feu.
— Ils se sont très bien vendus, lui répondis-je. Mais cette fois,
j’insiste pour vous les payer à leur valeur réelle et vous dédommager de votre
travail. » Je lui révélai aussi combien mon existence s’était enrichie
grâce à sa topaze et je lui exprimai toute ma reconnaissance.
Lorsque j’eus rempli mon sac avec les cristaux emballés dans du coton,
je me trouvai aussi chargé que mes porteurs. Cependant, je ne m’attardai pas à
Chiapa pour me reposer, car il m’était impossible de loger ailleurs que chez
les Macoboó où j’aurais dû repousser les avances des deux cousines, ce qui
n’aurait pas été bien poli de la part d’un invité. Après avoir réglé maître
Xibalbá avec de la poudre d’or, je me hâtai de reprendre ma route.
Quelques jours plus tard, après avoir un peu tâtonné, je trouvai
l’endroit, écarté de toute habitation, où mes hommes m’attendaient, assis
autour d’un feu de camp et environnés d’une multitude d’os bien nettoyés, de
tatous, d’iguanes et autres animaux. Nous ne restâmes là que le temps pour moi
de passer une bonne nuit de sommeil et l’un des soldats me prépara mon premier
repas chaud depuis que je les avais quittés : un faisan dodu rôti.
En arrivant aux abords de Tehuantepec, nous vîmes les traces des
déprédations commises par les Mexica, bien que la plupart des zones incendiées
aient été déjà reconstruites et, en fait, la ville y avait beaucoup gagné. Dans
le quartier sordide où auparavant il n’y avait que des bicoques délabrées –
dont celle qui avait joué un si grand rôle pour moi – on avait bâti des maisons
confortables et solides. Cependant, au fur et à mesure que nous avancions vers
l’ouest de la ville, nous vîmes qu’apparemment, les soldats mutinés n’y étaient
pas venus. L’auberge familière était toujours là. Laissant mes hommes dans la
cour, j’entrai et appelai d’une voix forte :
« Aubergiste ! Auriez-vous des chambres pour un pochtecatl et
son escorte ? »
Béu Ribé apparut ; elle semblait en parfaite santé et aussi belle
que jamais, pourtant elle m’accueillit par ces mots :
« Les Mexica ne sont pas très bien vus par ici en ce moment.
— Cela ne m’étonne pas, lui répondis-je, en essayant de prendre un
ton cordial. Mais tu feras bien une petite exception pour ton frère, Nuage
Noir. C’est ta sœur qui m’a envoyé jusqu’ici pour prendre de tes nouvelles. Je
suis heureux de constater que tu as été épargnée par les événements.
— Epargnée ? répéta-t-elle, d’une voix blanche. Eh bien, je
suis heureuse que tu sois heureux, puisque c’est à cause de toi que les troupes
mexica sont venues ici. Tout le monde sait qu’on les a envoyées à cause de ta
mésaventure avec les Zyù et parce que tu n’as pas réussi à leur prendre la
teinture pourpre. »
Je reconnus que c’était la stricte vérité. « Mais tu ne peux pas
me rendre responsable de…
— J’ai aussi ma part de responsabilité, coupa-t-elle d’un ton
amer. C’est ma faute si nous t’avons accueilli dans cette auberge, la première
fois. » Soudain, elle parut se résigner. « Il y a longtemps que j’ai
l’habitude d’être méprisée, pas vrai ? Je vais te donner une
chambre ; tu sais où mettre tes porteurs. Les domestiques vont s’occuper
de toi. »
A ces mots, elle me quitta et retourna à ses occupations. Voici une
réception bien fraîche et peu fraternelle, pensai-je en moi-même.
Des serviteurs vinrent
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