Azteca
ici
insupportable, veux-tu venir vivre avec nous ?
— Impossible ! répliqua-t-elle. Vivre sous ton toit. Comment
pourrais-je t’ignorer, comme tu me le suggères ?
Cessant de me contrôler, je me mis à crier : « J’ai dit et
j’ai fait tout ce que je pouvais. Je t’ai exprimé mes excuses, mes regrets, ma
sympathie et mon affection fraternelle. Je t’ai offert un refuge dans une ville
où tu pourras relever la tête et oublier le passé. Tu ne m’as répondu que par
le mépris, le défi et la méchanceté. Je pars demain. Tu peux venir avec moi ou
rester ici. »
Elle resta.
En arrivant dans la capitale de Zaachila, pour jouer jusqu’au bout mon
rôle de marchand, j’allai faire une visite de politesse au bishôsu Kosi Yuela,
à qui je racontai mon petit mensonge : que je venais du pays des Chiapa et
que j’apprenais seulement maintenant ce qui s’était passé dans le monde
civilisé et j’ajoutai :
« Comme le Seigneur Kosi Yuela a dû le deviner, c’est en grande
partie sur mes instigations qu’Ahuizotl a conduit ses troupes en Huaxyacac.
Aussi je pense que je vous dois des excuses. »
Il me fit comprendre d’un geste que cela n’avait pas d’importance.
« Peu importent toutes ces intrigues. Je suis content que votre Orateur
Vénéré soit venu avec de bonnes intentions. Je suis heureux que la longue
inimitié qui existait entre nos deux pays soit en train de s’éteindre et je ne
vois rien à redire au fait de recevoir ce tribut de pourpre.
— Bien sûr, mais les soldats d’Ahuizotl se sont conduits de façon
tout à fait condamnable à Tehuantepec. En tant que Mexicatl, je vous dois des
excuses.
— Je ne blâme pas Ahuizotl. Ni même ses hommes, à vrai
dire. »
Voyant mon air surpris, il me donna quelques explications :
« Votre Orateur Vénéré a pris des mesures rapides pour arrêter le
saccage. Il a donné l’ordre d’exécuter les responsables et il a calmé les
autres par des promesses qu’il a certainement tenues. Ensuite il nous a
dédommagés, pour les destructions, autant que cela puisse se payer. S’il
n’avait pas agi aussi vite et aussi honnêtement, nos deux pays seraient sans
doute en guerre en ce moment. Non, Ahuizotl s’est vraiment montré humblement
soucieux de restaurer nos bonnes relations. »
C’était bien la première fois que j’entendais qualifier
d’« humble » le terrible Ahuizotl Monstre d’Eau. Kosi Yuela
poursuivit :
« Cependant, il y avait quelqu’un d’autre avec lui, un jeune
homme, son neveu. C’est lui qui avait le commandement des troupes quand
Ahuizotl et moi étions en pourparlers et quand la mutinerie a éclaté. Ce jeune
homme porte un nom que nous, les Ben Zaa, avons des raisons historiques de
détester. Il s’appelle Motecuzoma et j’ai eu l’impression qu’il considérait le
traité d’alliance d’Ahuizotl avec nous comme une marque de faiblesse. Je crois
bien qu’il aurait voulu que les Zapoteca soient les sujets et non pas les égaux
des Mexica. Je le soupçonne fort d’avoir fomenté cette émeute dans l’espoir de
nous dresser à nouveau les uns contre les autres. Si vous avez l’oreille
d’Ahuizotl, jeune homme, je vous conseille de lui glisser un mot d’avertissement
au sujet de son neveu. Si on lui laisse un quelconque pouvoir, ce nouveau
Motecuzoma risque d’annuler toute la sage politique que son oncle cherche à
mettre sur pied. »
***
En arrivant sur la chaussée de Tenochtitlán, lorsque la cité nous
apparut, éclatante de blancheur dans le crépuscule, j’envoyai mes hommes en
avant par groupes de deux et de trois. Le temps que je mette le pied sur l’île,
la nuit était tombée et la ville s’était illuminée de tous ses feux,
chandelles, torches et lampes. C’est dans cet éclairage que je vis que ma
maison était achevée et qu’elle avait fière allure, bien que je ne puisse en
distinguer tous les détails. Elle reposait sur des pilotis de la hauteur d’un
homme à peu près, aussi je dus monter un petit escalier pour arriver à la porte
d’entrée. Une femme d’un certain âge que je ne connaissais pas, sans doute une
esclave qu’on venait d’acheter, vint m’ouvrir la porte. Elle me dit qu’elle
s’appelait Teoxihuitl, ou Turquoise, puis elle ajouta : « Quand les
porteurs sont arrivés, notre maîtresse est montée pour que vous puissiez
traiter vos affaires d’homme. Elle vous attend dans votre chambre,
maître. »
La femme me fit
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