Azteca
étendards. Cortés bondit hors du palais avec ses sous-officiers et il
rameuta ses troupes au cri de « Santiago ! ». Comme Malintzin le
lui avait dit, il trouva la place grouillante de gens portant des bannières de
plumes et vêtus d’habits de cérémonie qui pouvaient passer pour des tenues de
combat. Il ne leur donna pas le temps de pousser le moindre cri de guerre, ni
même d’expliquer pourquoi ils étaient rassemblés là. Les soldats déchargèrent
instantanément leurs armes sur la foule qui était si compacte que la première
volée de plombs et de flèches la faucha comme de l’herbe.
Quand la fumée s’éclaircit un peu, les Blancs se rendirent peut-être
compte qu’il y avait aussi des femmes et des enfants et ils durent se demander
si leur précipitation était bien justifiée. Le bruit amena les Totonaca et les
autres alliés dans la ville et ceux-ci la dévastèrent et massacrèrent sans
pitié toute la population, y compris les deux seigneurs, encore plus cruellement
que les Blancs. Quelques hommes parvinrent à se saisir de leurs armes pour se
défendre mais ce ne fut qu’un acte désespéré. Ils se retranchèrent sur la
montagne-pyramide de Cholula et à la fin ils s’enfermèrent dans le grand temple
de Quetzalcoatl qui était au sommet. Les assiégeants n’eurent plus qu’à empiler
du bois et à y mettre le feu.
Voilà douze ans que ce temple a été incendié et qu’on a déblayé tous
ses décombres. On n’y voit plus que des arbres et des buissons et c’est
pourquoi tant de vos compatriotes n’arrivent pas à croire que cette montagne
n’est pas une montagne, mais une pyramide élevée par les hommes. Maintenant,
son sommet, où l’on adorait jadis Quetzalcoatl, est couronné par une église
chrétienne.
Quand Cortés était arrivé à Cholula, il y avait environ huit mille
habitants. Quand il en repartit, c’était le désert. Je vous répète que
Motecuzoma ne m’avait pas fait part de ses plans, mais on a dit qu’il avait
bien envoyé des troupes vers Cholula et qu’il avait réellement donné des ordres
à la population pour qu’elle se soulève. Permettez-moi d’en douter. Ce massacre
avait eu lieu le premier jour de notre quatorzième mois, Panquetzaliztli,
c’est-à-dire l’Elévation des bannières de plumes, au cours duquel on célébrait
partout des cérémonies et c’était justement ce qu’était en train de faire la
population de Cholula.
Il est possible que la Malintzin n’ait jamais assisté à cette fête
auparavant et qu’elle ait cru de bonne foi que les habitants s’étaient
rassemblés avec des étendards de bataille, ou alors elle avait tout simplement
inventé ce complot par jalousie envers les femmes de la ville. Quoi qu’il en
soit, elle avait effectivement incité Cortés à accomplir ce massacre et s’il le
regretta, ce ne fut pas long, parce qu’en définitive ce forfait lui servit
encore davantage que la défaite de Texcala. Quand la nouvelle de la tuerie se
répandit dans le Monde Unique, les divers gouvernements commencèrent à
envisager la situation à peu près en ces termes :
Les Blancs ont d’abord monté les Totonaca contre les Mexica. Ensuite,
ils ont vaincu Texcala, ce que ni Motecuzoma, ni aucun de ses prédécesseurs
n’avaient jamais réussi à faire. Puis, ils ont massacré des alliés de
Motecuzoma à Cholula sans se soucier le moins du monde de la colère ou de la
vengeance de l’Orateur Vénéré. Il semblerait que ces Blancs soient encore plus
puissants que les puissants Mexica et il serait peut-être plus sage de se
rallier à eux tant que nous pouvons encore le faire de notre plein gré.
C’est ce que fit sans hésitation le prince Ixtlilxochitl, chef légitime
des Acolhua. Motecuzoma dut regretter amèrement de l’avoir chassé de son trône
trois ans auparavant, quand il s’aperçut que Fleur Noire n’avait pas passé tout
ce temps à se lamenter dans ses montagnes, mais qu’il avait rassemblé des
troupes en prévision de la reconquête du pouvoir. Pour Fleur Noire, Cortés
avait dû faire figure d’envoyé des dieux. Il descendit de son repaire pour
aller jusqu’à la cité martyre de Cholula où Cortés était en train de regrouper
ses troupes avant de poursuivre sa marche vers l’ouest. Le prince parla
certainement à Cortés des avanies que lui avait fait subir Motecuzoma et le
Capitaine Général dût promettre de lui venir en aide. En effet, on apprit bien
vite à Tenochtitlán que
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