Azteca
monde à Texcoco pour s’y reposer avant
de continuer sur Tenochtitlán.
Il ne fait pas de doute que Cacama ait été fort irrité de voir ses
propres sujets acclamer le prince Fleur Noire dans les rues de Texcoco. Ce fut
pour lui une insulte de taille à laquelle vint s’ajouter la désertion en masse
de ses troupes. Au cours des deux journées que Cortés passa dans cette ville,
deux mille citoyens environ vinrent se joindre aux volontaires de Fleur Noire.
A partir de ce moment la nation acolhua se trouva tragiquement divisée. La
moitié de la population resta fidèle à Cacama et l’autre se rallia à Fleur
Noire qui aurait dû en être l’Orateur Vénéré, même si ces gens regrettaient de
le voir lier son sort à celui des Blancs.
En quittant Texcoco, Tlacotzin conduisit l’armée de Cortés le long de
la rive sud du lac. Les Blancs s’extasièrent devant cette « grande mer
intérieure » et davantage encore devant la splendeur de Tenochtitlán que
l’on apercevait de la route et qui croissait en taille et en magnificence à
mesure qu’ils en approchaient. Tlacotzin conduisit les Espagnols dans son
palais d’Ixtapa-lapan et là, ils astiquèrent leurs épées, leurs armures et
leurs canons, ils étrillèrent leurs chevaux et rapetassèrent leurs uniformes
défraîchis du mieux qu’ils purent, afin de faire bonne figure pour entrer dans
la capitale.
Tlacotzin avait prévenu Cortés que la cité était une île déjà
surpeuplée et qu’il n’y avait pas de place pour loger ses alliés. Il lui fit
aussi comprendre que ce serait un manque de tact de faire entrer dans la ville
un personnage aussi indésirable que Fleur Noire et des troupes provenant de
pays ennemis. Cortés ne pouvait contester le manque de place, puisqu’il avait
vu la ville de loin et il était désireux de montrer sa bonne volonté dans le
choix de ceux qui l’accompagneraient. Cependant, il posa certaines conditions.
Il voulait que Tlacotzin s’arrange pour installer ses troupes sur la terre
ferme dans un rayon allant de la chaussée méridionale à la chaussée la plus
septentrionale, c’est-à-dire qu’en fait elles contrôleraient ainsi tous les
accès de la ville. Outre ses Espagnols, Cortés souhaitait avoir avec lui un
nombre symbolique de guerriers acolhua, totonaca et texcalteca pour lui servir
d’agents de liaison avec les troupes demeurées sur la terre ferme. Tlacotzin
consentit à tout et Cortés choisit les guerriers qu’il garderait près de lui,
puis renvoya les autres s’installer aux endroits choisis sous le commandement
d’officiers blancs. Quand les messagers revinrent annoncer que tous les
détachements étaient en train de monter leur camp, Tlacotzin envoya un
émissaire à Motecuzoma pour lui annoncer que les envoyés du roi Carlos et du
Seigneur Dieu arriveraient à Tenochtitlán le lendemain.
***
Cela se passait le jour Deux Maison de l’année Un Roseau, ou si vous
préférez au début du mois de novembre de l’année mille cinq cent dix-neuf.
La chaussée du sud avait vu passer bien des processions, mais aucune
n’avait fait un fracas aussi inhabituel. Les Espagnols n’avaient pas
d’instruments de musique et ils ne chantaient pas en marchant, mais on
entendait le tintement et le cliquetis de leurs armes de métal et du
harnachement de leurs chevaux dont les sabots résonnaient lourdement sur les pavés
ainsi que les grandes roues des canons. La jetée tout entière en vibrait et la
surface du lac, comme une peau de tambour, amplifiait ce tumulte dont les
lointaines montagnes renvoyaient l’écho.
Cortés venait en tête sur sa Mule, tenant dans sa main l’étendard sang
et or de l’Espagne et Malintzin marchait fièrement à côté du cheval avec la
bannière personnelle de son maître. Derrière suivaient les cavaliers espagnols
qui avaient accroché des oriflammes à la pointe de leur lance. Ensuite, une
cinquantaine de guerriers indigènes, puis les fantassins espagnols avec leurs
arbalètes et leurs arquebuses en position de parade, l’épée au fourreau et la
lance appuyée sur l’épaule. Derrière ces rangs bien ordonnés venait la foule
remuante des gens d’Ixtapala-pan et des villes voisines, curieuse de voir le
spectacle inusité de ces étrangers en armes entrer sans résistance dans
l’inattaquable cité de Tenochtitlán.
A mi-chemin de la chaussée, au fort d’Acachinango, les premiers
officiels vinrent à la rencontre du cortège : l’Orateur
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