Azteca
l’armée de Cortés venait de s’augmenter des milliers de
combattants merveilleusement entraînés du prince Fleur Noire.
En définitive, la tuerie soudaine et sans doute injustifiée de Cholula
se révéla un coup de maître et Cortés put dire merci à Malintzin quelles
qu’aient été les raisons qui l’avaient poussée à agir. Elle lui avait prouvé
qu’elle était tout entière vouée à sa cause et qu’elle l’aiderait à accomplir
son destin même s’il fallait pour cela piétiner les cadavres des hommes, des
femmes et des enfants de sa race. A partir de ce moment, Cortés la considéra
comme son premier conseiller stratégique, son officier le plus fidèle et son
allié le plus sûr. Peut-être même l’a-t-il aimée. Malintzin avait atteint ses
deux objectifs : elle s’était rendue indispensable à son maître et elle
allait bientôt entrer dans Tenochtitlán, son rêve de toujours, avec le titre et
les honneurs dus à une grande dame.
J’avais rencontré Malintzin deux fois avant qu’elle ne devienne l’arme
la plus redoutable de Cortés et les deux fois, j’aurais pu m’y opposer. Le jour
où je l’avais connue au marché d’esclaves, j’aurais pu l’acheter et elle se
serait contentée de faire partie de la maison d’un Chevalier-Aigle à
Tenochtitlán. Quand je l’avais revue au pays totonaca, elle n’était encore
qu’une esclave appartenant à un officier subalterne et sa disparition n’aurait
pas provoqué un bien grand émoi. J’avais donc eu par deux fois l’occasion de
changer le cours de sa vie – et peut-être le cours de l’histoire – et je ne
l’avais pas fait. Son rôle dans le massacre de Cholula m’avait fait comprendre
quelle menace elle représentait. Je savais que je la reverrais et je me jurai
de faire quelque chose pour mettre un terme à son existence.
Dès qu’il eut connaissance du drame, Motecuzoma envoya à Cortés une délégation
de nobles conduite par Tlacotzin, son Femme-Serpent. Ces émissaires emmenaient
avec eux un convoi de porteurs chargés d’or et d’autres cadeaux de prix, non
pour venir en aide à la malheureuse cité, mais pour amadouer Cortés.
Motecuzoma montra dans cette affaire toute la duplicité dont il était
capable. La population de Cholula était sans doute entièrement innocente et, si
elle avait vraiment voulu se soulever, elle l’avait fait sur les instructions
secrètes de Motecuzoma. Pourtant, dans son message à Cortés, l’Orateur Vénéré
blâmait ses alliés de Cholula d’avoir organisé un complot. Il affirmait qu’il
n’en avait pas eu connaissance et qualifiait les prétendus insurgés de
« traîtres envers nous deux ». Il félicitait Cortés de sa rapide intervention
et il espérait que cet incident ne mettrait pas en péril l’amitié future des
hommes blancs et de la Triple Alliance.
Il semblait particulièrement indiqué que ce message fût confié au
Femme-Serpent car c’était un chef-d’œuvre de sinuosité.
« Cependant, avait poursuivi Tlacotzin, si la perfidie de Cholula
a découragé le Capitaine Général de s’aventurer plus loin dans ces terres peu
sûres, nous comprendrons sa décision de rentrer chez lui, tout en regrettant
vivement de ne pas avoir pu rencontrer face à face le vaillant Capitaine
Général Cortés. Par conséquent, puisque vous ne venez pas dans leur capitale,
les Mexica vous prient d’accepter ces cadeaux que vous partagerez avec votre
roi Carlos quand vous serez de retour en Espagne. »
On m’a dit par la suite que Cortés avait eu du mal à contenir son
amusement quand ce message équivoque lui fut traduit par Malintzin et qu’il
avait murmuré : « J’ai hâte de me trouver face à cet homme au double
visage. »
Mais voici ce qu’il répondit à Tlacotzin :
« Je remercie votre maître de ses attentions et de ses présents
que j’accepte avec gratitude de la part de Sa Majesté le roi Carlos. Cependant
(et là, il bâilla) les ennuis que nous avons eus à Cholula ne portent pas à
conséquence. (Là, il se mit à rire) Votre Seigneur ne doit pas craindre que
notre détermination de poursuivre notre exploration en soit amoindrie. Nous
allons continuer vers l’ouest en faisant, de temps à autre, un détour pour
rendre visite à des pays qui souhaiteraient se joindre à nous. Mais soyez sûr
que notre périple nous amènera à Tenochtitlán. Vous pouvez transmettre à votre
chef ma solennelle assurance que nous nous rencontrerons face
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