Azteca
à face.
Motecuzoma avait prévu que les envahisseurs ne se laisseraient pas si
facilement dissuader, aussi il avait indiqué à son Femme-Serpent cette réponse
hypocrite :
« Dans ce cas, notre Orateur Vénéré souhaite que le Capitaine
Général ne diffère pas plus longtemps sa venue. (Cela voulait dire que
Motecuzoma ne voulait pas qu’il continue à se promener parmi ses tributaires mécontents
en les enrôlant au passage.) L’Orateur Vénéré craint que ces provinces
arriérées ne vous fasse croire à tort que nous sommes un peuple barbare. Il
désire que vous voyiez sa magnifique capitale pour que vous puissiez juger de
ce qu’il est capable de faire et il vous presse de venir directement à
Tenochtitlán. Je vous y conduirai, Seigneur, et, puisque je suis le second
personnage de la nation mexica, ma présence sera pour vous une garantie contre
des perfidies et des traquenards éventuels. »
Cortés fit un geste qui englobait la multitude des troupes stationnées
autour de Cholula.
« Je ne m’inquiète pas outre mesure des perfidies et des
traquenards, ami Tlacotzin, mais j’accepte l’invitation de votre chef et votre
offre de me servir de guide. Nous serons prêts à partir quand vous le
voudrez. »
Il est fort possible que Motecuzoma ait caressé l’idée de promener
indéfiniment l’armée de Cortés jusqu’au moment où les envahisseurs se seraient
fatigués et perdus. Mais, parmi les troupes indigènes, beaucoup auraient
découvert la supercherie. Malgré tout, Motecuzoma avait dû donner l’ordre à
Tlacotzin de ne pas leur faciliter le voyage, espérant peut-être que Cortés
finirait par se décourager. Au lieu de leur faire prendre les routes de
commerce des basses vallées, le Femme-Serpent les avait conduits par le grand
col qui sépare les volcans Ixtaccihuatl et Popocatepetl.
Même pendant les plus chaudes journées d’été, il y a de la neige sur
ces sommets et lorsque l’armée de Cortés les franchit, l’hiver commençait. Rien
n’était plus propre à désespérer les Blancs que le froid mordant, les vents
furieux et les bourrasques de neige qu’ils durent affronter. Je ne sais pas
quel est le climat de votre Espagne, mais les soldats de Cortés avaient passé
plusieurs années à Cuba qui est, je crois, une île aussi torride et aussi
humide que nos Terres Chaudes. Les Blancs, comme leurs alliés totonaca,
n’étaient ni préparés, ni vêtus pour faire face à ces intempéries et Tlacotzin
raconta ensuite qu’ils avaient terriblement souffert.
Ils souffrirent, il gémirent, quatre d’entre eux moururent, ainsi que
deux de leurs chevaux, plusieurs chiens et une centaine de Totonaca, mais ils
continuèrent.
Tlacotzin nous rapporta également les exclamations de joie et de
stupéfaction des Espagnols quand ils arrivèrent enfin sur les pentes qui
dominent l’immense bassin des lacs. Au-dessous d’eux s’étalaient les lacs
communicants aux couleurs infinies, entourés d’une luxuriante végétation, avec
des villes bien ordonnées et des routes toutes droites. Après les terribles
montagnes qu’ils venaient de franchir, cette terre leur parut un paradis. Ils
étaient encore à vingt longues courses de Tenochtitlán, mais la cité argentée
brillait comme un astre. Ils avaient marché pendant des mois à travers plages,
montagnes, ravins et vallées en ne traversant que des villes et des villages
sans intérêt, pour finir par ce sinistre col entre les deux volcans. Et
soudain, ils découvraient – ce sont eux-mêmes qui le dirent – « une vision
qui ressemblait à un rêve… à un enchantement sorti des vieux contes de fées…»
Après avoir descendu les pentes des volcans, Cortés pénétra sur le
territoire de la Triple Alliance par le pays des Acolhua où il fut accueilli
par l’Orateur Vénéré Cacama qui était venu à sa rencontre avec une suite
impressionnante de nobles, de courtisans et de gardes. Sur les conseils de son
oncle, Cacama adressa une chaleureuse allocution de bienvenue aux arrivants,
mais je suppose qu’il ne se sentait pas très à l’aise sous le regard étincelant
de son demi-frère, le prince détrôné Fleur Noire planté devant lui avec les
guerriers acolhua qu’il avait débauchés. Cette confrontation aurait pu se
terminer par une bataille si Motecuzoma et Cortés n’avaient pas formellement
interdit qu’une querelle vint ternir cette rencontre mémorable. Aussi, tout se
passa bien et Cacama conduisit tout le
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