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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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faire sentir à la foule encore peu épaisse, on entendit les
langues se délier, les volets s'ouvrir, les jalousies se
tirer ; les personnes qui avaient couché dans des appartements
de l'autre côté de la prison, et qui avaient de bonnes places à
louer à grand prix pour voir l'exécution, sortirent de leur lit à
la hâte. Dans plusieurs maisons, les gens étaient occupés à relever
les châssis des croisées pour la plus grande commodité des
spectateurs ; il y en avait même d'autres où les spectateurs
étaient déjà à leur poste, assis sur leurs chaises, et jouant aux
cartes, ou buvant, ou plaisantant ensemble, pour passer le temps.
Quelques-uns avaient loué des places jusque sur le toit, et on les
voyait déjà grimper pour les prendre, par le parapet ou par les
fenêtres des greniers. Quelques autres, ne trouvant pas leurs
places assez bonnes hésitaient à les occuper, et restaient debout
dans un état d'indécision, contemplant en bas la foule qui
grossissait successivement, avec les ouvriers qui se reposaient
nonchalamment contre l'échafaud, et affectant de se montrer peu
sensibles à l'éloquence du propriétaire, qui leur vantait le
magnifique coup d'œil qu'on avait de la maison, et le bon marché
qu'il en demandait.
    Jamais on n'avait vu plus belle matinée du
haut des toits et des étages supérieurs de ces bâtiments ; les
clochers des églises de Londres et le dôme de la grande cathédrale
appelaient les regards, bien au-dessus de la prison, découpés sur
un ciel bleu, et colorés par les nuages légers d'un jour d'été,
montrant dans une atmosphère pure et claire jusqu'aux dessins
dentelés de leur architecture, toutes leurs niches et leurs
ouvertures. Tout était lumière et bonheur, excepté en bas dans la
rue, encore dans l'ombre ; l'œil plongeait là dans une grande
fosse sombre, où, au milieu de tant de vie et d'espérance, au
milieu de cette renaissance générale, était dressé le terrible
instrument de mort. On aurait dit que le soleil même ne pouvait pas
se décider à regarder par là.
    Mais cet appareil lugubre était encore mieux
ainsi, triste et caché dans l'ombre, qu'au moment où la journée
étant plus avancée, il étala dans la pleine gloire du soleil
brillant sa peinture noire toute craquelée, et ses nœuds coulants
qui se balançaient à la lumière du jour comme des guirlandes
hideuses. Il était mieux dans la solitude et la tristesse de
l'heure de minuit, avec un petit nombre de formes vivantes groupées
autour de lui, qu'à la fraîcheur du matin, signal du réveil de la
vie, au centre d'une foule avide. Il était mieux quand il hantait
la rue comme un spectre, pendant que tout le monde était couché, et
qu'il ne pouvait infecter de son influence que les rêves de la
ville, que lorsqu'il vint braver le grand jour et salir de sa
présence impure les sens des citoyens éveillés.
    Cinq heures étaient sonnées… puis six… puis
huit. Le long des deux grandes rues, à chaque bout de la place, il
y avait maintenant un torrent de monde qui roulait ses flots
vivants vers les rendez-vous d'affaires et les marchés où les
appelaient l'amour du gain. Les charrettes, les diligences, les
fourgons, les camions, les diables et les brouettes se frayaient de
force un passage à travers les derniers rangs de la foule, pour se
rendre dans la même direction. Les voitures publiques qui venaient
des environs s'arrêtaient, et le conducteur montrait avec son fouet
le gibet, quoiqu'il eût pu s'en épargner la peine : car ses
voyageurs n'avaient pas besoin de cela pour tourner tous la tête de
ce côté, et les portières étaient tapissées d'yeux tout grands
ouverts. Dans quelques charrettes et quelques fourgons, on pouvait
voir des femmes jetant avec épouvante un coup d'œil du côté de
cette horrible machine ; il n'y avait pas jusqu'aux petits
enfants que leurs papas tenaient au-dessus de leur tête dans la
foule pour leur faire voir le beau joujou qu'on appelle une
potence, et pour leur apprendre comment on pend un homme.
    On devait mettre à mort, devant la prison,
deux des insurgés qui avaient pris part à l'attaque dirigée contre
elle ; immédiatement après on devait en exécuter un autre dans
Bloomsbury-Square, À neuf heures, un fort détachement de soldats se
mit en marche dans la rue, se forma en double haie, et ne laissa
qu'un étroit passage dans Holborn, qui avait été, tant bien que
mal, occupé toute la nuit par les constables. À travers les

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