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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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qu'il fit tout
cela d'une manière étrange et d'une main si tremblante que le
garçon resta à le regarder pendant qu'il poursuivait sa route,
incertain s'il ne devait pas le suivre pour le surveiller. On se
rappela longtemps après qu'on l'avait entendu arpenter à grands pas
sa chambre au fort de la nuit ; que les domestiques s'étaient
entretenus le lendemain matin de sa pâleur et de sa mine
fiévreuse ; qu'enfin, lorsque le garçon qui lui avait porté
son épée était revenu à l'auberge, il avait dit à un de ses
camarades qu'il avait encore comme un poids sur l'estomac de tout
ce qu'il avait observé dans ce court intervalle, et qu'il avait
peur que le gentleman n'eût l'intention de se détruire et qu'on ne
le vît jamais revenir en vie.
    M. Haredale, à peu près sûr que son
trouble avait attiré l'attention du domestique, en se rappelant
l'expression de ses traits quand ils s'étaient quittés, hâta le
pas, gagna une place de fiacres, et monta dans le meilleur, après
avoir fait prix avec le cocher pour le conduire sur la route
jusqu'au sentier qui conduisait chez lui à travers champs, et pour
attendre son retour auprès d'une maison de plaisance qui se
trouvait à une portée de fusil loin de là. Il ne tarda pas à
arriver à sa destination, et descendit pour faire le reste du
chemin à pied. Il passa si près du Maypole qu'il pouvait en voir la
fumée monter au-dessus des arbres, pendant qu'une bande de pigeons…
sans doute de ses vieux habitants avant l'incendie… déployant
gaiement leurs ailes pour retourner au colombier, lui cachait la
vue du ciel. « La vieille maison va me rajeunir, dit-il en
regardant de ce côté, et il y aura là un gai foyer sous son toit
couvert de lierre. C'est toujours une consolation de penser que
tout n'est pas ruines dans le voisinage. Je serai bien aise d'avoir
au moins un tableau moins morne et moins sombre où reposer mon
esprit. »
    Il reprit sa marche, en dirigeant ses pas du
côté de la Garenne. Quelle belle soirée, claire, calme,
silencieuse ! pas un souffle de vent pour agiter les feuilles,
rien que les sonnettes monotones des agneaux qui tintaient dans la
campagne, et, par intervalles, le beuglement lointain du bétail ou
l'aboiement des chiens du village. Le ciel était rayonnant de la
gloire adoucie d'un soleil couchant ; sur la terre, comme dans
l'air, régnait un profond repos. Telle était l'heure à laquelle il
arriva à ce manoir abandonné qui avait été si longtemps sa demeure,
et il se mit à regarder pour la dernière fois ses murs noircis par
la flamme.
    Les cendres du feu le plus ordinaire donnent
toujours à l'âme une émotion mélancolique, car elles portent en
elles un souvenir de quelque chose qui a été vivant et animé, et
qui n'est plus maintenant qu'une inerte, froide et odieuse
poussière, une image de mort et de destruction, qui attire malgré
nous notre sympathie. Mais combien sont plus tristes encore les
restes épars d'une maison qui fut la nôtre, consumée par
l'incendie, le renversement du grand autel domestique, où les plus
mauvais d'entre nous célèbrent quelquefois le culte secret du cœur,
et où les meilleurs ont offert de si nobles sacrifices et accompli
de tels actes d'héroïsme que, s'ils étaient enregistrés dans
l'histoire, ils forceraient les temples les plus orgueilleux de
l'antiquité, avec leurs fanfaronnes annales, à rougir devant
eux !
    Il s'arracha à ses méditations profondes pour
se promener à pas lents autour de la maison. Il commençait à faire
noir. Il avait déjà presque achevé le tour des bâtiments, quand il
poussa une exclamation à demi étouffée, tressaillit et se tint coi.
Appuyé dans une attitude tranquille, le dos contre un arbre, et
contemplant les ruines avec une expression de plaisir… de plaisir
si vif que, malgré son indolence habituelle, la surveillance qu'il
savait si bien exercer sur ses traits, sa joie éclatait sur son
visage, libre de toute contrainte et de toute réserve… oui, devant
Haredale, sur sa propre terre, et triomphant encore comme il avait
triomphé de toutes les infortunes, de toutes les contrariétés de
son ennemi, se tenait l'homme au monde dont l'autre pouvait le
moins supporter la présence, n'importe où, mais surtout là.
    Quoique son sang se révoltât contre cet homme,
quoique sa rage bouillonnât si violemment dans son âme, qu'il
l'aurait volontiers frappé roide mort, il eut assez de puissance
sur lui-même pour se retenir et passa

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