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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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qu'il y
ait tant de quoi rire, au bout du compte… qu'en dites-vous,
ma'ame ! Ce n'est pas le Pérou, après avoir tant fait sa
revêche quand elle n'était encore qu'une poupée, après avoir tant
dépensé de toilette et d'affiquets, ce n'est déjà pas le Pérou de
gagner à la loterie un pauvre diable de pioupiou, et manchot,
encore, n'est-ce pas, ma'ame ! Hé ! hé ! ce n'est
pas moi, toujours, qui voudrais d'un mari manchot. Je voudrais, au
moins, qu'il eût ses deux bras. Deux bras, ce n'est pas de trop,
quand il devrait avoir seulement deux crocs au bout de ses
moignons, en guise de mains, comme le balayeur qui est là devant
notre porte. »
    Mlle Miggs allait ajouter, et avait même
déjà commencé, qu'à tout prendre, un balayeur était encore un parti
plus sortable qu'un pioupiou, quoique, bien sûr, quand les gens ne
peuvent plus choisir, il faille bien qu'ils prennent ce qu'ils
trouvent, et encore qu'ils se regardent comme bien heureux ;
mais comme ses vexations et son chagrin étaient de cette nature
amère qui vous tourne sur le cœur sans pouvoir se soulager par des
mots, et qui s'exalte jusqu'à la folie, faute d'être alimentée par
la contradiction, elle ne put pas aller plus longtemps comme ça, et
éclata en une tempête de larmes et de sanglots.
    Réduite à cette extrémité, elle tomba sur
l'infortuné neveu, en veux-tu en voilà, et lui dérobant une poignée
de cheveux qui lui resta dans la main, elle lui déclara qu'elle
voudrait bien savoir s'il voulait la faire encore attendre là
longtemps à se faire insulter, s'il avait ou non l'intention de
l'aider à remporter sa malle, et s'il trouvait plaisir à entendre
vilipender sa famille ; je vous fais grâce d'une foule
d'autres questions semblables. Victime de ces provocations
humiliantes, le petit garçon qui, tout ce temps-là, avait été,
petit à petit, poussé à la révolte par la vue d'un croquet sur
lequel il ne pouvait pas mettre la main, s'en alla plein
d'indignation, laissant sa tante se démener à son aise avec sa
malle pour tâcher de le suivre.
    Enfin, tant bien que mal, à force de tirer, de
pousser, on réussit à gagner la porte de la rue. Et là,
Mlle Miggs, tout essoufflée de cet effort, épuisée d'ailleurs
par ses sanglots et ses larmes, s'assit sur sa propriété pour y
cuver sa douleur, jusqu'à ce qu'elle pût enjôler quelque autre
jeunesse pour l'aider jusque chez elle.
    « Il n'y a pas de quoi s'occuper de ça,
Marthe, il n'y a que de quoi rire, dit le serrurier à l'oreille de
sa femme, en la suivant à la fenêtre et en lui essuyant les yeux
avec bonhomie. Qu'est-ce que ça vous fait ? Ce n'est pas
d'aujourd'hui que vous avez reconnu vos torts. Allons ! encore
un petit verre de Toby, ma chère. Dolly va nous chanter une petite
chanson, et cette interruption ne fera qu'ajouter à notre
gaieté. »

Chapitre 39
     
    Un mois après, on était presque à la fin
d'août, et M. Haredale se trouvait seul dans le bureau de la
malle-poste, à Bristol. Quoiqu'il ne se fût écoulé que quelques
semaines depuis sa conversation avec Édouard Chester et sa mère
dans la maison du serrurier, et qu'il n'eût rien changé dans
l'intervalle à sa mise ordinaire, son extérieur n'était plus du
tout le même. Il avait l'air beaucoup plus vieux et plus cassé.
L'agitation et l'inquiétude n'épargnent pas à l'homme les rides et
les cheveux blancs ; mais le renoncement secret à nos
anciennes habitudes, et la rupture des liens qui nous sont chers et
familiers, laissent des traces encore plus profondes. Nos
affections ne sont pas aussi faciles à blesser que nos
passions ; mais le coup descend plus avant, et la plaie
demande plus longtemps pour se cicatriser. Il n'était plus
maintenant qu'un homme tout à fait solitaire, et le cœur qu'il
portait avec lui n'était aussi qu'isolement et tristesse.
    Il semble que la réclusion et l'exil auxquels
il s'était condamné tant d'années eussent dû lui faire paraître sa
solitude actuelle moins pénible ; mais il sentait maintenant
que c'était une mauvaise préparation : car elle n'avait fait
qu'aiguiser sa sensibilité ; peut-être un petit tour dans les
plaisirs du monde aurait-il mieux valu. Il avait si bien compté sur
sa nièce pour lui tenir compagnie ; il l'avait tant
aimée ; elle était devenue une part si précieuse et si
importante de son existence ; ils avaient eu en commun tant de
soucis et de pensées que personne d'ailleurs n'avait partagés

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