Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
Vom Netzwerk:
sans dire un mot, sans jeter
un coup d'œil de son côté. Oui, et il allait continuer, il ne se
serait même pas retourné, car il voulait résister au diable qui
troublait sa cervelle par d'affreuses tentations (et ce n'était pas
un effort facile), si cet imprudent ne l'avait pas lui-même engagé
à s'arrêter ; et cela avec une voix de compassion affectée qui
le rendit presque fou, et lui fit perdre en un instant toute la
patience qu'il avait voulu garder malgré son angoisse… la plus
poignante, la plus irrésistible de toutes les angoisses.
    Aussitôt, réflexion, raison, pitié, clémence,
tout ce qui peut aider à contenir la rage et le courroux d'un homme
stimulé par la vengeance, tout cela s'envola au moment même où il
se retourna. Et pourtant il lui dit lentement et avec le plus grand
calme… beaucoup plus de calme qu'il n'en avait jamais mis à lui
parler : « Pourquoi m'avez-vous adressé la
parole ?
    – Pour vous faire remarquer, dit sir John
Chester avec son flegme habituel, le drôle de hasard qui nous fait
rencontrer ici.
    – Oui, c'est un hasard étrange.
    – Étrange ! c’est la chose la plus
remarquable et la plus singulière du monde. Je ne monte jamais à
cheval le soir. Voilà des années que cela ne m'est arrivé. C'est
une fantaisie qui m'a passé, je ne puis m'expliquer comment, par la
tête, au beau milieu de la nuit dernière… Comme ceci est
pittoresque !… »
    Il lui montrait en même temps la maison
démantelée, et ajustait son lorgnon pour mieux voir.
    « Vous ne vous gênez pas pour admirer
votre œuvre. ».
    Sir John laissa retomber son lorgnon, pencha
le visage du côté d'Haredale avec un air des plus courtois, comme
pour lui demander une explication, et en même temps il secouait
légèrement la tête, comme s'il se disait à lui-même :
« Il faut que cet animal soit devenu fou. »
    « Je vous répète que vous ne vous gênez
pas pour admirer votre œuvre.
    – Mon œuvre ! dit sir John en
regardant autour de lui d'un air souriant. Mon ouvrage, à
moi !… je vous demande pardon… réellement je vous demande
pardon, mais…
    – Sans doute, vous voyez bien ces murs.
Vous voyez bien ces chevrons chancelants ; vous voyez bien de
tous les côtés le ravage du feu et de la fumée. Vous voyez bien
l'esprit de destruction qui s'est déchaîné ici… n'est-ce
pas ?
    – Mon bon ami, répondit le chevalier,
réprimant doucement d'un signe de sa main la fougue d'Haredale,
certainement je le vois. Je vois tout ce dont vous me parlez là,
quand vous vous mettez de côté et que vous ne m'en dérobez pas la
vue. J'en suis bien fâché pour vous. Si je n'avais pas eu le
plaisir de vous rencontrer ici, je crois même que je vous aurais
écrit pour vous le dire. Mais vous ne supportez pas ça aussi bien
que je m'y serais attendu… veuillez m'excuser, mais je trouve que…
vraiment j'attendais mieux de vous. »
    Il tira sa tabatière, et, s'adressant à lui de
l'air supérieur d'un homme qui, à raison de son caractère plus
élevé, se sentait le droit de faire à l'autre une leçon de morale,
il continua ainsi :
    « Car enfin, vous êtes philosophe, vous
savez… et de cette secte de philosophes austères et rigides qui
sont bien au-dessus des faiblesses de l'humanité en général. Vous
êtes si loin de toutes les frivolités de ce monde ! vous les
regardez du haut de votre sérénité, et vous les raillez avec une
amertume très émouvante : je vous ai entendu le faire.
    – Et vous m'entendrez encore !
    – Merci ! Voulez-vous que nous
fassions un petit tour de promenade en causant ? car voilà le
serein qui tombe un peu fort. Non ! eh bien ! comme il
vous plaira. Seulement, je suis fâché d'être obligé de vous dire
que je n'ai plus qu'un petit moment à vous donner.
    – Plût à Dieu que vous ne m'en eussiez
pas donné du tout ! Plût à Dieu, je le dis de toute mon âme,
que vous fussiez allé au paradis (si l'on peut proférer un pareil
mensonge), plutôt que de venir ici ce soir !
    – Mais non, répondit sir John…
certainement vous ne vous rendez pas justice ; vous n'êtes pas
d'une compagnie très agréable, mais je ne voudrais pas aller si
loin pour vous éviter.
    – Écoutez-moi ! dit
M. Haredale, écoutez-moi.
    – Vous allez railler ?
    – Non, je vais détailler toute votre
infamie. Vous avez pressé et sollicité de faire votre ouvrage un
agent capable, mais qui par caractère, par essence plutôt, n'est
qu'un

Weitere Kostenlose Bücher