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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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faisant de bonne foi un signe de tête tout
juste dans la direction contraire à l'exacte vérité.
    Il faut dire que ses pieds et ses mains
étaient liés si étroitement, qu'il ne lui restait plus que le
visage pour montrer à l'étranger son chemin.
    « Vous mentez, dit celui-ci avec un geste
de colère et de menace. Je suis venu par là et je n'ai rien vu.
Vous voulez me tromper. »
    Cependant il était si visible que l'apathie
imperturbable de John n'était pas un jeu ; qu'elle était au
contraire le résultat de la scène qui venait de se passer sous son
toit, que l'étranger retint sa main au moment de le frapper, et se
retourna.
    John le regarda faire sans seulement
sourciller. L'autre alors se saisit d'un verre, le tint sous un des
petits barils pour recueillir quelques gouttes, qu'il avala avec
une grande avidité. Puis, trouvant que cela n'allait pas assez
vite, il jeta le verre par terre avec impatience, prit le baril
même à deux mains, et s'en versa directement le contenu dans le
gosier. Il y avait çà et là quelques croûtes de pain
oubliées ; il tomba dessus aussitôt, les mangeant avec
voracité, et ne s'arrêtant que pour écouter de temps en temps
quelque bruit imaginaire au dehors. Après s'être restauré en
courant, il souleva un autre baril pour l'appliquer à ses lèvres,
rabattit son chapeau sur son front, comme s'il se disposait à
quitter la maison, et revint à John.
    « Où sont vos
domestiques ? »
    M. Willet eut un souvenir confus d'avoir
entendu les émeutiers leur crier de jeter par la fenêtre la clef de
la chambre où elles s'étaient retirées. Il répliqua donc par ces
mots :
    « Elles sont sous clef.
    – Elles feront bien de se tenir
tranquilles et vous aussi, repartit l'autre. À présent, dites-moi
de quel côté ils sont partis. »
    Cette fois-ci, M. Willet ne se trompa
pas : l'étranger se précipitait du côté de la porte pour
sortir, quand tout à coup le vent leur apporta le tintement
éclatant et rapide d'une cloche d'alarme, puis on vit dans l'air
une vive et subite clarté qui illumina non seulement toute la
chambre, mais toute la campagne.
    Ce ne fut pas le passage soudain des ténèbres
à cette clarté terrible ; ce ne fut pas le son des cris
lointains et des hourras victorieux ; ce ne fut pas cette
invasion effrayante du tumulte dans la paix et la sérénité de la
nuit, qui fit reculer d'effroi l'étranger, comme s'il venait d'être
frappé d'un coup de tonnerre ; non, ce fut la cloche. La forme
la plus hideuse du plus épouvantable revenant que l'imagination
humaine ait jamais pu se figurer, aurait surgi devant lui, qu'il
n'aurait pas fui devant elle, d'un pas chancelant, avec autant
d'horreur qu'il en montra au premier son de cette voix de fer
retentissante. Les yeux lui sortaient de la tête, il tremblait de
tous ses membres, sa figure était horrible à voir, avec sa main
droite levée en l'air, la gauche pressant en bas quelque objet
imaginaire qu'il frappait à coups redoublés, comme le meurtrier qui
plonge un poignard au cœur de sa victime ; puis il se tira les
cheveux, il se boucha les oreilles, il courut à droite, à gauche,
comme un fou ; puis enfin il poussa un cri effroyable et se
rua dehors : et toujours, toujours la cloche tintait à sa
poursuite, plus fort, plus fort, plus vite, plus vite.
L'embrasement devenait plus brillant, le tumulte des voix plus
profond ; l'air était ébranlé par la chute de corps pesants
qui craquaient en tombant. Des ruisseaux d'étincelles enflammées
jaillissaient jusqu'au ciel ; mais il y avait quelque chose de
plus sonore que la chute des murs ruinés, de plus rapide pour
monter jusqu'au ciel que les étincelles de l'incendie, de plus
furieux, de plus sauvage mille fois que le bruit confus des voix,
quelque chose qui proclamait d'horribles secrets longtemps
ensevelis dans le silence, quelque chose qui parlait la langue des
morts : la cloche !… la cloche ! »
    Une meute de spectres n'aurait jamais devancé
à la course cette poursuite rapide, cette chasse enragée ; une
légion de revenants à ses trousses ne lui aurait pas inspiré tant
de crainte. Cela aurait eu au moins un commencement et une fin,
tandis qu'ici c'était répandu par tout l'espace. Il n'y avait
qu'une voix acharnée à sa poursuite, mais elle était partout :
elle éclatait sur la terre, elle éclatait dans l'air ; elle
courbait en passant la pointe des herbes, elle hurlait à travers
les arbres frémissants. Les

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