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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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tout grands ouverts montraient bien qu'il était éveillé mais
toutes ses facultés de raison et de réflexion étaient abîmées dans
un sommeil absolu. Il promenait les yeux autour de cette chambre
qui avait été depuis de longues années, et qui était encore, pas
plus tard qu'il y a une heure, l'orgueil de son cœur, mais sans
qu'un muscle de sa figure en fût seulement ému. La nuit, au dehors,
semblait noire et froide, à travers les trouées qui avaient été
naguère des fenêtres. Les liquides précieux, à présent à sec ou peu
s'en faut, tombaient goutte à goutte sur le plancher. Le Maypole
brisé avait l'air de regarder par la croisée rompue, comme le
beaupré d'un vaisseau naufragé, et rien n'empêchait de comparer le
parquet au fond de la mer, tant il était, comme elle, semé de
débris précieux. Les courants d'air, qui n'avaient plus
d'obstacles, faisaient claquer et crier sur leurs gonds les
vieilles portes. Les chandelles vacillaient et coulaient, garnies
de je ne sais combien de champignons. Les beaux et brillants
rideaux d'écarlate flottaient et clapotaient au vent. Les bons
petits barils hollandais de curaçao ou d'anisette, tournés sens
dessus dessous et vides, étaient jetés honteusement dans un
coin : ce n'était plus que l'ombre de ces jolis quartauts, qui
avaient perdu toute leur jovialité, sans espérance de la retrouver
jamais. John voyait cette désolation, ou plutôt il ne la voyait
pas. Il ne demandait pas mieux que de rester là, assis les yeux
tout grands ouverts, n'éprouvant pas plus d'indignation ou de
malaise, revêtu de ses liens, que si c'eussent été des décorations
honorifiques. Personnellement, il ne voyait aucun changement :
le temps allait son petit bonhomme de chemin, comme d'habitude, et
le monde était toujours tranquille comme à l'ordinaire.
    N'était qu'on entendait les barils se vider
goutte à goutte, les débris des fenêtres cassées crier sous le
souffle du vent, et le craquement monotone des portes ouvertes,
tout était profondément calme : ces petits bruits, semblables
au tic-tac de la montre du temps pendant la nuit, ne faisaient que
rendre le silence plus saisissant et plus effrayant. Mais le bruit
ou le calme, pour John, c'était tout un : un train de grosse
artillerie aurait pu venir exécuter des sarabandes sous sa fenêtre,
qu'il n'en aurait été que ça. Il était désormais à l'abri de toute
surprise ; un revenant même ne lui aurait rien fait.
    Justement il entendit un pas, un pas
précipité, et cependant discret, qui s'approchait de la maison. Ce
pas s'arrêta, avança encore, sembla faire le tour des bâtiments, et
finit par venir sous la fenêtre, par laquelle une tête plongea dans
la salle.
    Les chandelles agitées mettaient ce visage
singulièrement en relief sur le fond noir et sombre de la nuit au
dehors. Il était pâle, flétri, usé ; les yeux, à raison de sa
maigreur, paraissaient naturellement grands et brillants ; les
cheveux étaient grisonnants. Il lança un regard pénétrant dans la
chambre, en même temps qu'on entendit une voix creuse
demander :
    « Est-ce que vous êtes seul dans cette
maison ? »
    John ne fit aucun signe, quoique cette
question fût répétée deux fois et qu'il l'eût bien entendue. Après
un moment de silence, l'homme entra par la fenêtre. John ne parut
pas plus surpris de cela que du reste. Il en avait tant vu monter
ou descendre par les croisées en une heure de temps, qu'il ne se
rappelait plus seulement qu'il y eût une porte, et qu'il croyait
avoir toujours vécu au milieu, de ces exercices gymnastiques depuis
son enfance.
    L'homme portait un grand habit noir passé, et
un chapeau rabattu. Il marcha droit à John et le regarda en face.
John lui rendit incontinent la monnaie de sa pièce.
    « Est-ce qu'il y a longtemps que vous
êtes assis là comme ça ? » dit l'homme.
    John réfléchit, mais sans pouvoir trouver rien
à dire.
    « De quel côté sont-ils partis ?
    À cette question, expliquez-moi comment il se
fit, car je n'y comprends rien, que la forme particulière des
bottes de l'étranger trotta dans la tête de M. Willet, qui
finit par secouer ces distractions importunes et retomba dans son
premier état.
    – Ah çà ! vous feriez aussi bien de
me répondre, dit l'autre ; ce serait le moyen de conserver au
moins votre peau, puisqu'il ne vous reste plus que ça. De quel côté
sont-ils partis ?
    – Par là, » dit John, retrouvant
tout de suite la voix et

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