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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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flammèches vivantes que le vent détachait du
brasier pour les emporter sur ses ailes, comme une neige de
feu ; le bruit sourd des poutres brisées, qui tombaient comme
des plumes sur le monceau de cendres, et se réduisaient presque au
même instant en un foyer d'étincelles et de poussière
enflammée ; la teinte blafarde qui couvrait le ciel, faisant
mieux ressortir tout autour, par le contraste, les ténèbres
profondes ; la vue de tous les recoins dont leur usage
domestique faisait naguère un lieu sacré, livrés maintenant sans
pudeur aux regards d'une populace effrontée ; la destruction
par des mains rudes et grossières des mille petits objets de la
prédilection des maîtres, qui les associaient dans leurs cœurs avec
de tendres et précieux souvenirs ; et cela, non pas au milieu
de visages sympathiques et de consolations murmurées par l'amitié,
mais au bruit des acclamations les plus brutales, et de cris
étourdissants qui faisaient sauver à la hâte jusqu'aux rats,
habitués par une longue possession à ce domicile antique, et
devenus, pour ainsi dire, les commensaux de la maison : toutes
ces circonstances se combinaient pour présenter aux yeux une scène
que les spectateurs qui n'y prenaient point part ne devaient jamais
oublier, dussent-ils vivre cent ans.
    Quels étaient ces spectateurs ? La cloche
d'alarme, remuée par des mains puissantes, avait longtemps retenti,
mais pas une âme qu'on pût voir. Quelques rebelles prétendaient
bien que, lorsqu'elle avait cessé d'appeler à l'aide, on avait
entendu des cris de femmes éplorées, et qu'on avait vu flotter
leurs vêtements dans l'air, pendant qu'elles étaient emportées,
malgré leur résistance, par une troupe de ravisseurs. Mais, dans un
pareil désordre, personne ne pouvait dire si c'était vrai ou si
c'était faux. Cependant où donc était Hugh ? Personne ne
l'avait plus vu depuis qu'on avait enfoncé les portes. Toute la
bande criait après lui ; où est donc Hugh ?
    « Présent, répondit-il d'une voix
enrouée, en sortant de l'obscurité, tout haletant, tout noirci par
la fumée. Nous avons fait tout ce que nous pouvions faire. Voilà le
feu qui va s'éteindre de lui-même, et, s'il reste encore quelque
pan de murailles, ce n'est plus qu'un amas de ruines.
Dispersons-nous, mes gars, pendant qu'il y fait bon ; rentrez
par différents chemins, et nous nous retrouverons comme
d'habitude. »
    Là-dessus, il disparut de nouveau… (c'était
bien étrange, lui qui toujours arrivait le premier et ne s'en
allait que le dernier)… et les laissa retourner chacun chez eux
comme ils voulaient.
    Ce n'était pas une tâche facile que
d'organiser la retraite d'une pareille multitude. Quand on aurait
ouvert toutes grandes les portes de Bedlam [3] , il n'en
serait pas sorti autant de fous qu'en avait fait sortir cette nuit
de délire. On voyait des hommes danser et trépigner sur les
parterres de fleurs, comme s'ils croyaient écraser des victimes
humaines sous leurs pieds ; ils arrachaient leurs tiges avec
fureur, comme des sauvages qui tordent le cou de leurs ennemis. On
en voyait d'autres jeter en l'air leurs torches enflammées, et les
recevoir sans bouger sur leurs têtes et sur leurs visages tout
enflés et tout couturés de brûlures hideuses. On en voyait qui se
précipitaient jusqu'au brasier et en écartaient la vapeur avec le
mouvement de leurs mains, comme s'ils nageaient en pleine
eau ; d'autres même qu'on avait beaucoup de peine à empêcher
de s'y plonger pour satisfaire leur soif de feu. Sur le crâne d'un
garçon, de vingt ans à peine, étendu ivre mort sur le gazon avec le
goulot d'une bouteille dans la bouche, coulait du toit une pluie de
plomb liquide brûlé à blanc, qui faisait fondre sa tête comme une
cire. Quand on réunit tous les gens épars, on retira des caves,
pour les emporter à bras, des misérables, vivants encore, mais
marqués comme d'un fer chaud sur tout le corps, et, le long de la
route, leurs porteurs cherchaient à les ragaillardir par des
plaisanteries de corps de garde, en attendant qu'ils les
déposassent morts à la porte de quelque hôpital. Mais tous ces
tableaux effroyables n'inspiraient à personne, dans cette troupe
hurlante, ni pitié ni dégoût ; il n'y en avait pas un dont la
rage aveugle, féroce, animale, fût seulement assouvie.
    Le rassemblement se dispersa à la fin
lentement, et par petits pelotons, avec des hourras enroués, et au
bruit de leurs cris ordinaires. Quelques

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