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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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comptoir, assis
dans son fauteuil, assistant à la destruction de ses biens, comme à
quelque représentation théâtrale d'une nature surprenante et
stupéfiante, mais qui ne le regardait pas du tout, à ce qu'il
pouvait croire.
    Vraiment, oui ! voilà bien le
comptoir ! ce comptoir vénéré où les plus hardis n'auraient
pas osé entrer sans une invitation spéciale du maître, le
sanctuaire, le mystère, le Saint des saints : eh bien !
le voilà, ce comptoir, qui regorge d'hommes, de gourdins, de
bâtons, de torches, de pistolets, qui retentit d'un bruit
assourdissant de jurons, de cris, de huées, de menaces ; ce
n'est plus un comptoir, c'est une ménagerie, une maison de fous, un
temple infernal et diabolique. Les gens vont et viennent, entrent
et sortent, par la porte ou par la fenêtre, cassent les carreaux,
tournent les cannelles, boivent les liqueurs dans de pleins bols de
porcelaine ; ils se mettent à califourchon sur les
tonneaux ; ils fument les pipes personnelles et consacrées de
John et de ses pratiques ; ils élaguent le bosquet respecté
d'oranges et de citrons, hachent et taillent en plein fromage dans
le fameux chester, brisent des tiroirs inviolables et les ouvrent
tout grands, mettent dans leurs poches des choses qui ne leur
appartiennent pas, se partagent son propre argent sous ses propres
yeux, gaspillent, brisent, cassent, foulent aux pieds comme des
insensés tout ce qu'ils trouvent ; il n'y a rien d'épargné,
rien de sacré. On voit des hommes partout ; en haut, en bas,
au premier, à la cuisine, dans les chambres à coucher, dans la
cour, dans les écuries. Les portes sont ouvertes ; cela leur
est égal, ils montent par la fenêtre. Qu'est-ce qui les empêche de
descendre par l'escalier ? non, ils aiment mieux sauter par la
croisée. Ils se jettent par-dessus les rampes, pour être plus tôt
dans le corridor. À chaque instant ce ne sont que figures
nouvelles, une vraie fantasmagorie de gars qui hurlent, de gens qui
chantent, de gens qui se battent, de gens qui cassent les verres et
les assiettes, de gens qui abreuvent le plancher de la liqueur
qu'ils ne peuvent plus boire, de gens qui sonnent la cloche jusqu'à
la démancher, de gens qui la frappent à coups de marteau jusqu'à ce
qu'ils l'aient mise en morceaux : toujours, toujours, des gens
qui grouillent comme des fourmilières ; toujours du bruit, de
la fumée de tabac, des torches, de l'obscurité, des folies, des
colères, des rires, des gémissements, le pillage, l'effroi, la
ruine !
    Presque tout le temps que John considéra cette
scène épouvantable, Hugh se tint auprès de lui, et, quoiqu'il fût
bien le plus tapageur, le plus farouche, le plus malfaisant coquin
de tous ceux qui étaient là, il empêcha nombre de fois qu'on ne
brisât les os de son maître. Et même, quand M. Tappertit,
animé par les liqueurs, passa par là, et, pour bien assurer sa
prérogative, donna poliment à John Willet des coups de pied dans
les os des jambes, Hugh conseilla à son patron de les rendre, et,
si le vieux John avait eu la présence d'esprit de comprendre ce
qu'il lui disait à demi-mot et d'en profiter, point de doute
qu'avec la protection de Hugh il ne s'en fût tiré sans danger.
    Enfin la bande commença à se reformer hors de
la maison, et à rappeler ceux qui restaient à lambiner au dedans,
pour faire corps avec eux. Pendant que les murmures croissaient et
se formulaient hautement, Hugh et quelques-uns de ceux qui étaient
encore arrêtés au comptoir, et qui étaient évidemment les meneurs
principaux, se consultèrent à part pour savoir ce qu'il fallait
faire de John, afin de s'assurer de lui jusqu'à ce qu'ils eussent
fini leur travail de Chigwell. Les uns proposaient de mettre le feu
à la maison et de le laisser s'y consumer ; les autres, de lui
faire prêter serment qu'il resterait là sur son fauteuil, sans
bouger, pendant vingt-quatre heures ; d'autres enfin de lui
mettre un bâillon et de l'emmener avec eux, sous bonne garde. Après
avoir examiné et rejeté successivement toutes ces propositions, on
finit par décider qu'il fallait le garrotter dans son fauteuil, et
on appela Dennis pour le charger de l'exécution.
    « Faites bien attention, père Jean !
lui dit Hugh en s'avançant vers lui : nous allons vous lier
les pieds et les mains, mais sans vous faire d'autre mal. Vous
entendez bien ? »
    John Willet en regarda un autre, comme s'il ne
savait pas qui est-ce qui parlait, et marmotta entre ses

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