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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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nègre
encore, un vil païen, était une circonstance trop choquante et trop
effroyable pour qu'on y songeât sans frémir.
    Le tableau que Gabriel venait d'esquisser
menaçait d'avoir des conséquences sérieuses, et il en aurait eu
sans aucun doute, si par bonheur, en ce moment, un léger pas n'eût
franchi le seuil, et si Dolly, s'élançant dans la boutique, n'eut
jeté ses bras autour du cou de son vieux père qu'elle tenait
étroitement serré.
    « La voilà donc enfin ! cria
Gabriel. Quelle bonne mine vous avez, Doll ! et comme vous
venez tard, ma chérie ! »
    Quelle bonne mine elle avait ? Bonne
mine ? Je crois bien ; il eût épuisé tous les adjectifs
élogieux du dictionnaire, qu’il n'aurait pas encore assez loué sa
fille. Où donc vit-on jamais dans le monde entier une petite
minette si potelée, si friponne, si avenante, si pétillante, si
séduisante, si ravissante, si éblouissante, si enivrante que
Dolly ! Ne me parlez pas de la Dolly d'il y a cinq ans, c'est
bien autre chose aujourd'hui ! Combien de carrossiers, de
selliers, d’ébénistes et de garçons passés maîtres dans d'autres
arts utiles, qui avaient abandonné leurs pères, leurs mères, leurs
sœurs, leurs frères, et, ce qui est au-dessus de tout cela, leurs
cousines, pour l'amour d'elle ! Combien de gentlemen inconnus,
qu'on supposait nantis d'immenses fortunes, sinon de titres … qui
guettaient Miggs au coin de la rue après la brune, pour engager
cette fille incorruptible, en la tentant par des guinées d'or, à
remettre à sa jeune maîtresse des offres de mariage sous le sceau
d'un billet doux ! Combien de pères inconsolables, négociants
aisés, avaient fait visite au serrurier pour le même motif, et lui
avaient raconté de lugubres histoires domestiques, comme quoi leurs
fils, perdant l'appétit, en étaient venus à s’enfermer dans
d'obscures chambres à coucher, ou bien à errer dans des faubourgs
solitaires avec de pâles figures, et tout cela parce que Dolly
Varden était aussi cruelle que jolie ! Que de jeunes gens, qui
avaient montré à une époque antérieure une sagesse exemplaire,
s'étaient portés soudain pour le même motif à des extravagances
inexcusables, comme d’arracher les marteaux des portes et de
culbuter les guérites des watchmen rhumatisants ! Combien
avait-elle recruté pour le service du roi, tant sur terre que sur
mer, en réduisant au désespoir les sujets de Sa Majesté qui
s'étaient amourachés d’elle, entre dix-huit et vingt-cinq
ans ! Combien de jeunes demoiselles avaient publiquement
déclaré, les larmes aux yeux, qu’elle était beaucoup trop petite,
trop grande, trop hardie, trop froide, trop forte, trop mince, trop
blonde, trop brune, trop n'importe quoi, mais pas belle !
Combien de vieilles dames, dans leurs conciliabules, avaient
remercié le ciel de ce que leurs filles ne lui ressemblaient pas,
et avaient exprimé le souhait qu'il ne lui arrivât rien de fâcheux,
quoique bien persuadées qu'elle ne tournerait pas bien, et avaient
fini par dire qu'elle avait un air effronté qui ne leur avait
jamais plu, et qu'au demeurant ce n'était qu'une mystification
parfaite et une bévue de la foule !
    Et avec tout cela, Dolly Varden était si
capricieuse et si difficile, qu'elle était encore Dolly Varden,
avec tous ses sourires, et ses fossettes, et son joli minois, ne se
souciant pas plus des cinquante ou soixante jeunes gens dont le
cœur se brisait du désir de l'épouser, que si c'eussent été autant
d'huîtres contrariées dans leurs amours qui fussent là, l'écaille
béante, à exhaler leurs peines de cœur.
    Dolly embrassa son père, comme nous l'avons
déjà dit, et, après avoir embrassé aussi sa mère, elle les
accompagna tous deux dans la petite salle à manger où la nappe
était déjà mise pour le dîner, et où Mlle Miggs, un tantinet
plus roide et plus raboteuse que jamais, l'accueillit avec une
contraction hystérique de sa bouche qu'elle croyait un sourire.
    Aux mains de cette jeune vierge, Dolly confia
son chapeau et sa robe de promenade (le tout d'un goût terriblement
artificieux, plein de mauvaises intentions), et alors elle dit avec
un rire qui balança la musique du serrurier :
    « Avec quel plaisir je reviens toujours à
la maison !
    – Et quel plaisir c'est toujours pour
nous, Doll, dit son père, en relevant en arrière les cheveux noirs
qui voilaient ses yeux étincelants, de vous revoir à la
maison ! Donnez-moi un

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