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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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main
de l'aveugle. Stagg alors mit un genou en terre, et frotta
doucement les mollets de son chef, avec un air d'humble
admiration.
    « Que n'ai-je des yeux ! cria-t-il,
pour voir les proportions symétriques de mon capitaine ! Que
n'ai-je des yeux pour contempler ces deux jumeaux, fatals à la paix
des ménages !
    – Laissez-moi ! dit
M. Tappertit en abaissant son regard sur ses membres favoris.
Voulez-vous me laisser, Stagg !
    – Quand je touche les miens après, cria
l'hôte les tapant d'un air de reproche, ils me sont odieux.
Comparativement parlant, ils n'ont pas plus de forme que des jambes
de bois, à côté des jambes moulées de mon noble capitaine.
    – Les vôtres ! s'écria
M. Tappertit, oh ! je le crois bien. N'allez-vous pas
comparer ces vieux cure-dents-là avec mes propres membres ?
c'est presque un manque de respect. Allons, prenez ce verre.
Benjamin ouvrez la marche. À l'ouvrage !
    En disant ces mots il recroisa ses bras, et,
fronçant les sourcils avec une sombre majesté, il suivit son
compagnon à travers une petite porte vers l'extrémité supérieure de
la cave, et disparut, laissant Stagg à ses méditations
personnelles.
    La cave dans laquelle ils entrèrent, jonchée
de sciure de bois et faiblement éclairée, séparait la première de
celle où s'amusaient les joueurs de quilles, comme l'indiquait le
bruit croissant et la clameur des langues. Ce bruit cessa soudain,
toutefois, et fut remplacé par un profond silence, au signal du
long camarade. Alors ce jeune monsieur, allant vers une petite
armoire, en rapporta un fémur, qui, dans les siècles passés, avait
dû faire partie intégrante de quelque individu au moins aussi long
que lui, et il déposa cet os dans les mains de M. Tappertit.
Celui-ci, le recevant comme un sceptre ou un bâton de maréchal,
prit une mine farouche en relevant sur le haut de sa tête son
chapeau à trois cornes, et monta sur une grande table, où un
fauteuil d'apparat, joyeusement orné d'une couple de crânes, était
tout prêt à le recevoir.
    Il ne faisait que de s'installer, quand parut
un autre jeune monsieur, portant entre ses bras un gros livre fermé
avec une agrafe. Ce personnage adressa au président une profonde
révérence, remit le livre au long camarade, s'approcha de la table,
tourna le dos, et, se pliant en deux, se tint là dans la posture
d'Atlas. Alors, le long camarade monta aussi sur la table ; et
s'asseyant dans un fauteuil moins haut que celui de
M. Tappertit, avec beaucoup de solennité et de cérémonie,
plaça le gros livre sur les épaules de leur compagnon muet, aussi
tranquillement que si c'eût été un pupitre de bois, et se prépara à
y faire des inscriptions avec une plume de taille analogue.
    Lorsque le long camarade eut fini ces
préparatifs, il regarda M. Tappertit ; et
M. Tappertit, faisant le moulinet avec l'os en question,
frappa neuf fois sur l'un des crânes. Au neuvième coup, un
troisième jeune monsieur entra par la porte menant au quartier des
quilles, et, après un profond salut, il attendit les ordres du
chef.
    « Apprenti ! dit le puissant
capitaine, qui attend là-bas ? » L'apprenti répondit
qu'un étranger attendait pour solliciter son admission dans la
société secrète des Chevaliers Apprentis, et une libre
participation à leurs droits, privilèges et immunités. Là-dessus
M. Tappertit fit de nouveau le moulinet avec le tibia de la
présidence, et donnant au second crâne un coup prodigieux sur le
nez, il s'écria : « Qu'on l'introduise ! » À
ces terribles paroles l'apprenti salua encore, et se retira comme
il était entré.
    Bientôt apparurent à la même porte deux autres
apprentis, ayant entre eux un troisième, dont les yeux étaient
bandés. Il avait une perruque à bourse, un habit à larges pans,
avec une garniture de galon terni ; il était en outre ceint
d'une épée, conformément aux statuts de l'ordre qui réglaient
l'introduction des récipiendaires, et qui leur enjoignaient de
revêtir ce costume de cour et de le garder constamment dans de la
lavande, pour s'en servir au besoin. L'un des parrains du
récipiendaire tenait pointée à son oreille une espingole rouillée,
et l'autre un très vieux sabre, avec lequel, tout en s'avançant, il
découpait en l'air d'imaginaires ennemis, d'une façon sanguinaire
et anatomique.
    Comme ce groupe silencieux approchait,
M. Tappertit enfonça son chapeau sur sa tête. Le récipiendaire
mit alors sa main sur sa

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