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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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qu'avec
respect. Ayant traité ces différents points avec une éloquence
véhémente, et informé en outre le récipiendaire que la société
avait pris naissance dans son fécond cerveau, stimulé par un
sentiment de haine contre l'injustice et l'outrage, sentiment
toujours croissant dans son âme, M. Tappertit lui demanda s'il
se croyait le cœur assez ferme pour prêter le formidable serment
requis par les statuts, ou s'il préférait se retirer pendant que la
retraite était encore possible.
    Le récipiendaire répondit à cela qu'il
prêterait le serment, dût-il en étouffer. La prestation du serment
eut donc lieu. Elle offrit maintes circonstances très propres à
impressionner l'esprit le plus héroïque. L'illumination des deux
crânes au moyen d'un bout de chandelle à l'intérieur de chacun
d'eux, et force moulinets exécutés avec l'os vengeur, en furent les
traits les plus remarquables, pour ne pas mentionner divers
exercices sérieux avec l'espingole et le sabre, et quelques
lugubres gémissements que firent entendre hors de la salle des
apprentis invisibles. Toutes ces sombres et effroyables cérémonies
ayant eu leur accomplissement, la table fut mise de côté, ainsi que
le fauteuil d'apparat, le sceptre fut mis sous clef dans son
armoire ordinaire, les portes de communication entre les trois
caves furent toutes grandes ouvertes, et les Chevaliers Apprentis
se livrèrent au plaisir.
    Mais M. Tappertit, qui avait une âme
au-dessus de ce vil troupeau, le vulgaire, et qui, à cause de sa
grandeur, ne pouvait condescendre à se donner du plaisir que de
temps en temps, se jeta sur un banc, de l'air d'un homme accablé
sous le poids de sa dignité. Il regarda les cartes et les dés d'un
œil aussi indifférent que les quilles ; il ne pensait qu'à la
fille du serrurier, et aux jours de turpitude et de décadence où il
avait le malheur de vivre.
    « Mon noble capitaine ne joue pas, ne
chante pas, ne danse pas, dit l'hôte en s'asseyant auprès de lui.
Buvez alors, brave général ! »
    M. Tappertit vida jusqu'à la lie le
calice qui lui était présenté ; puis il plongea ses mains dans
ses poches, et avec un visage nuageux il se promena au travers des
quilles, tandis que ses acolytes (telle est l'influence d'un génie
supérieur) retenaient l'ardente boule, témoignant pour ses petits
tibias le respect le plus profond.
    « Si j'étais né corsaire ou pirate,
brigand, gentilhomme de grand'route ou patriote, car tout cela se
ressemble, pensa M. Tappertit en rêvant au milieu des quilles,
à la bonne heure ! Mais traîner une ignoble existence et
rester inconnu à l'humanité en général !… Patience. Je saurai
devenir fameux. Une voix, là dedans, ne cesse de me chuchoter ma
future grandeur. J'éclaterai un de ces jours, et alors qui pourra
me retenir ? À cette idée, je sens mon âme monter dans ma
tête. Buvons ! versez encore ! Le nouveau membre
poursuivit M. Tappertit, non pas précisément d'une voix de
tonnerre, car son organe, à dire vrai, était un peu fêlé et
perçant, mais d'une voix très propre à faire impression
néanmoins ; où est-il ?
    – Ici, noble capitaine ! cria Stagg.
Il y a là près de moi quelqu'un que je sens être un étranger.
    – Avez-vous, dit M. Tappertit en
laissant tomber son regard sur la personne indiquée, et c'était
effectivement le nouveau chevalier qui avait à présent repris son
costume de ville ; avez-vous l'empreinte en cire de la clef de
la porte qui mène de chez vous à la porte de la
rue ? »
    Le long camarade prévint la réponse en
produisant cette empreinte, qu'il enleva d'une planche où elle
avait été déposée.
    – Bon ! » dit
M. Tappertit, l'examinant avec attention, tandis qu'un silence
absolu régnait autour de lui (car il avait fabriqué des clefs
secrètes pour toute la société, et il devait peut-être quelque
chose de son influence à ce petit service trivial : les hommes
de génie ne sont pas eux-mêmes à l'abri de ces considérations
mesquines). Venez ici, l'ami. Ça sera bientôt fait. »
    En parlant de la sorte, d'un signe il prit à
part le nouveau chevalier, et, mettant le modèle dans sa poche, il
l'invita à se promener avec lui.
    « Ainsi donc, dit-il, après quelques
tours en long et en large, vous… vous aimez la fille de votre
maître ?
    – Je l'aime, dit l'apprenti. En tout bien
tout honneur. Pas de bêtises, vous savez.
    – Avez-vous, répliqua M. Tappertit
en le saisissant par

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