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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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mari et se mit à la rouer de coups. Richard ne réagit pas, tétanisé par la surprise.
    — Arrêtez, laissez-moi vous expliquer ! glapit la femme.
    Claire s’arrêta. Cette voix ne lui était pas étrangère.
    — Vous ? rugit-elle, interloquée.
    La femme en question était une voisine, Clémence Coulonges, épouse d’un éminent magistrat à la Cour de cassation. Elle l’avait croisée à maintes reprises dans l’escalier et lui avait souvent parlé – des problèmes de l’immeuble, de la concierge, de la pluie et du beau temps – sans jamais se douter que sous ce visage austère une briseuse de ménage était à l’oeuvre.
    Claire chercha des yeux les vêtements de Clémence, éparpillés aux quatre coins de la pièce. Elle s’empara d’un escarpin et, d’un pas décidé, sortit de la clinique. Echevelée, elle gagna le domicile de l’infidèle et tambourina à sa porte. Le président Coulonges la reçut en robe de chambre.
    — Quel bon vent vous amène ? commença-t-il, surpris, en lui faisant signe d’entrer.
    — Savez-vous où se trouve votre femme ? lui demanda-t-elle, les yeux injectés de sang.
    — Chez une amie, pourquoi ? Lui serait-il arrivé malheur ?
    — Votre chère épouse vous trompe avec mon mari, articula Claire. Je viens de les surprendre en flagrant délit !
    D’un geste brusque, elle lui remit la chaussure qu’elle avait à la main.
    — Si elle rentre avec un seul escarpin, vous aurez la preuve que je ne vous mens pas !
    Elle pivota sur ses talons. A peine le seuil franchi, elle se retourna vers son voisin et lui lança avec une vulgarité qui ne lui ressemblait pas :
    — Moi, je me tire. Je ne resterai pas une seconde de plus avec l’homme qui culbute votre femme !
    Le magistrat demeura hébété, comme s’il s’éveillait d’un songe.
    1 - Rédacteur en chef du journal L’Auto en 1931, Jacques Goddet (1905-2000) fut aussi le directeur du Tour de France (1936-1987) et le fondateur de L’Equipe (1946).

6
    Où l’on voit Charles Riley
 prendre en main Jesse Owens
    Charles Riley n’avait pas le profil d’un entraîneur d’athlétisme. Avec sa petite taille, ses cheveux blancs, ses lunettes rondes, son béret et son noeud papillon, il ressemblait davantage à un professeur de maths ou de philosophie. Il était sourd de l’oreille gauche, ce qui obligeait ses élèves à hausser le ton quand ils s’adressaient à lui et le forçait à élever la voix pour s’entendre parler. Assis dans les tribunes, le coach observait attentivement Jesse Owens qui s’échauffait sur la piste avant de prendre le départ du 400 mètres. Durant sa carrière, il avait formé de nombreux sportifs, Noirs ou Blancs – pour lui la couleur n’avait aucune importance –, mais jamais il n’avait connu garçon plus doué que Jesse Owens. Le jour où il lui avait proposé de suivre une formation d’athlétisme après les cours, l’adolescent avait, dans un premier temps, accepté avec enthousiasme, puis, se rappelant qu’il travaillait à l’épicerie, avait dû décliner l’offre à contrecoeur. Riley avait réfléchi un court moment avant de revenir à la charge : bien que chétif, cet élève-là avait de longues jambes nerveuses ; il possédait une endurance peu commune chez les gamins de son âge. Il eût été dommage de ne pas le prendre en main.
    —  No problem , Jesse, lui dit-il. Tu courras avant l’école !
    L’adolescent avait acquiescé sans mesurer les sacrifices qui l’attendaient : chaque matin, par tous les temps, il lui fallait se lever de bonne heure, avaler en vitesse son petit déjeuner, et se rendre à la Fairmount Junior High School de Cleveland avant ses camarades pour courir, sauter et faire toutes sortes d’exercices.
    Charles Riley pouvait être satisfait : en trois ans, son poulain avait beaucoup progressé. Il était plus puissant, plus rapide, plus souple. Il menait une vie saine, bien qu’il aimât fumer et courir les filles avec David Albritton, son meilleur ami, un grand Noir aux lèvres charnues, aux pommettes saillantes et aux sourcils circonflexes, qui était né à Danville, tout près d’Oakville, et partageait avec lui le goût du sport. Certes, son mental était encore fragile, mais c’était normal. A son âge, il lui fallait de l’expérience, participer à un maximum d’épreuves interscolaires comme celle qu’il se préparait à disputer.
    Les coureurs se mirent en position et, au signal du starter,

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