Berlin 36
paternel :
— Si tu m’écoutes, Jesse, tu iras très loin.
Quelques jours plus tard, répondant à l’invitation de Riley, Charley Paddock, le fameux vainqueur du 100 mètres aux JO d’Anvers de 1920, visita l’école de Fairmount et y rencontra les élèves.
— C’est un gamin exceptionnel, affirma Riley en lui présentant Jesse Owens.
— Qu’est-ce qui fait donc sa singularité ? demanda Paddock, intrigué.
— Il y a certes d’autres jeunes athlètes capables de courir comme lui ou de sauter aussi loin que lui, mais je n’en connais aucun qui manifeste un tel désir de se perfectionner, de progresser, de se surpasser !
Celui qu’on surnommait « l’Eclair de Saint Louis » se pencha alors vers l’adolescent et lui tapota la joue en signe d’encouragement.
Dès qu’il fut parti, Jesse remercia Riley de lui avoir donné l’occasion d’approcher l’homme le plus rapide du monde.
— J’espère que cette rencontre te stimulera davantage encore, fit Riley, les poings sur les hanches.
Jesse hocha la tête, encore mal remis de son émotion.
— Je serai Charley Paddock ou rien.
7
Où l’on voit le CIO
entériner la candidature de Berlin
Le comte Henri de Baillet-Latour s’éclaircit la gorge et commença par souhaiter la bienvenue à ses collègues, réunis en ce 15 mai 1934 à Athènes pour la 32 e session du Comité international olympique. Sa grande taille, sa moustache épaisse, son nez proéminent et son crâne dégarni accentuaient son allure sévère. Ancien diplomate, excellent cavalier, il avait organisé avec succès les Jeux d’Anvers, avant d’être élu à la tête du CIO. Son allocution terminée, il céda la parole au Dr Theodor Lewald, président du Comité organisateur des Jeux de Berlin. L’Allemand se leva et, d’un ton enthousiaste, annonça qu’il préconisait d’allumer la flamme olympique en Grèce même et de la transporter jusqu’au stade de Berlin par un relais de torches que les coureurs se transmettraient à tour de rôle. Le comité accueillit favorablement cette proposition hautement symbolique.
— Nous abordons à présent la question de la participation des femmes aux jeux Olympiques, enchaîna le comte de Baillet-Latour. Je suggère qu’elles soient admises à prendre part aux disciplines suivantes : athlétisme, escrime, gymnastique, natation, patinage et ski. Mais cette faveur devrait leur être refusée pour les sports équestres et le hockey sur gazon.
L’assistance acquiesça : le sexe faible ne pouvait pas avoir accès à tous les sports. De nombreuses personnalités comme le baron Pierre de Coubertin ou Avery Brundage, le président du Comité olympique américain et de l’AAU, l’Amateur Athletic Union, étaient tout à fait opposés à la participation des femmes aux différentes disciplines sportives.
— Le troisième point à l’ordre du jour, reprit le président du CIO, est la question du boycott des Jeux de Berlin. Comme vous le savez, les Jeux ne doivent revêtir aucun caractère politique, racial, national ni confessionnel. Or, les mesures d’exclusion prises par le gouvernement allemand ont créé un mouvement d’opinion hostile à la célébration à Berlin des Jeux de la XI e olympiade. De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le boycott de ces Jeux sous prétexte que les Allemands font preuve de discrimination en excluant systématiquement les athlètes d’origine juive.
L’un des délégués américains, Ernest Lee Jahncke, leva la main pour réclamer la parole. Bien qu’il fût issu d’une famille protestante allemande, partie de Hambourg en 1870 pour s’installer à La Nouvelle-Orléans, il n’affichait aucune complaisance à l’égard du III e Reich.
— Je suis de ceux qui croient que nous ne devons pas participer aux Jeux de Berlin, déclara-t-il avec véhémence. Le régime nazi continue à violer toutes les règles de sélection des athlètes appelés à porter les couleurs allemandes. Il exploite les Jeux à des fins politiques et financières. La tenue des Jeux à Berlin portera un coup sévère à l’idée même de l’olympisme. Je…
Le comte de Baillet-Latour l’interrompit d’un ton sec :
— A ma connaissance, Avery Brundage ne partage pas du tout votre avis. Ne parlez-vous pas d’une seule et même voix ?
Jahncke n’aimait pas Brundage. Non seulement parce que celui-ci convoitait ouvertement sa place au CIO, mais aussi parce qu’il affichait
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