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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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tacot. Prenant son courage à deux mains, il lui annonça à voix basse :
    — Je m’en vais, coach.
    — Comment ? fit l’entraîneur en s’approchant de lui pour mieux entendre.
    — Je m’en vais, coach. Je quitte Cleveland.
    Charles Riley ôta ses lunettes et considéra son poulain en plissant ses yeux de myope.
    — Je redoutais cette heure, Jesse, mais je ne peux pas te retenir. Un grand destin t’attend, les jeux Olympiques t’appellent, et je ne suis qu’un pauvre bougre tout juste bon à entraîner des écoliers…
    — Ne dis pas ça, coach. Tu as formé les meilleurs athlètes du pays. Je n’oublierai jamais tout ce que tu as fait pour moi.
    — L’essentiel est que tu tiennes toujours compte de mes conseils, Jesse. Et que tu ne cesses jamais de croire en toi.
    Il marqua une pause, puis demanda :
    — Où iras-tu ?
    — Je ne sais pas encore. Je pense à l’Indiana, au Michigan ou à l’Ohio. Je choisirai l’université qui embauchera mon père : il est toujours sans travail.
    — C’est tout à ton honneur, Jesse, de songer à ton père. Mais pense aussi à toi, tu as une femme, une fille, tu ne peux pas hypothéquer ton avenir à cause de ton père… Si tu as le choix, opte pour l’université de l’Ohio.
    — Pourquoi l’Ohio ?
    — Elle compte un excellent entraîneur nommé Larry Snyder : il s’occupera bien de toi !
    Sur ces mots, Charles Riley s’approcha de Jesse et le serra très fort dans ses bras en sanglotant comme un enfant.
    — Pleure pas, coach , pleure pas !
    L’entraîneur ferma les yeux et balbutia d’une voix émue :
    — La prochaine fois, ce sera de joie, Jesse, parce que tu auras gagné.
    *
    David Albritton aimait la vitesse. Pied au plancher, il filait à toute allure sur l’autoroute. Assis à ses côtés, le visage fouetté par le vent, Jesse Owens songeait à Ruth, à Gloria, à ses parents, et à la nouvelle vie qui s’ouvrait devant lui.
    — Nous nous arrêterons à Kokomo, décréta Dave. Demain matin, nous nous rendrons à l’université de l’Indiana pour voir ce qu’on nous y propose !
    Dix minutes plus tard, les deux amis mettaient pied à terre et pénétraient dans un motel. Le réceptionniste, un Blanc ventru à l’haleine avinée et aux joues couperosées, les accueillit sans ménagement :
    — Dehors ! maugréa-t-il en balayant l’air du revers de la main. On n’accepte pas les Noirs !
    — Mais nous avons besoin d’une chambre, protesta Dave. Où dormirons-nous ?
    — A la belle étoile ou dans votre bagnole, ce n’est pas mon problème.
    — Pourquoi êtes-vous si agressif ? demanda Jesse. Nous sommes deux étudiants inoffensifs…
    — N’êtes-vous pas au courant de ce qui s’est passé en ville hier soir ?
    — Non, répondit Dave en hochant la tête. Nous n’étions pas là.
    — Un Noir a été lynché par des Blancs. Ce crime a mis le feu aux poudres. La population est nerveuse, je ne veux pas d’histoires !
    Jugeant qu’il ne servait à rien d’insister, Jesse prit Dave par le coude et l’entraîna vers la voiture.
    — Tu aurais dû protester, Jesse. Il n’a pas le droit de nous foutre à la porte comme ça… Fallait pas se laisser faire !
    Conciliant de nature, Jesse refusait de répondre à la violence par la violence.
    —  That’s the way it is, champ, répliqua-t-il en enfonçant les mains dans ses poches. You do what you can 1   !
    — Cette ville n’est pas pour nous, décréta Dave d’un ton amer. Allons plutôt dans le Michigan !
     
    L’université du Michigan fit une proposition intéressante à Jesse Owens, assortie d’une offre de travail pour son père. Mais il la déclina, préférant intégrer l’université de l’Ohio selon les conseils de Charles Riley.
    — Où habiterons-nous ? lui demanda Dave en remplissant le formulaire d’inscription.
    — Nous logerons en compagnie d’autres étudiants noirs dans une maison située dans la East 11th Avenue : les dortoirs du campus sont strictement réservés aux étudiants de couleur blanche.
    Albritton secoua la tête.
    — Tu le dis comme si ça allait de soi, tu acceptes les discriminations sans la moindre révolte… Tu me parais trop fataliste, Jesse.
    Son ami haussa les épaules.
    — Surmonter l’humiliation, Dave, c’est aussi une forme de victoire.
    1 - « C’est ainsi que sont les choses. On fait ce qu’on peut ! »

11
    Où l’on voit un lutteur allemand
 refuser de faire le

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