Berlin 36
organisations aux Etats-Unis et au Canada s’émeuvent des mesures d’exception prises en Allemagne contre les sportifs juifs. Aux Universiades de Budapest, votre équipe nationale ne comprenait pas un seul Juif ! Le CIO ne peut tolérer de telles discriminations… Sinon, c’est l’oeuvre tout entière du baron Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux, qui serait remise en question et même ruinée !
Hitler fronça les sourcils. Son regard se durcit.
— Je vous remercie de votre franchise, général. Mais je n’accepte pas les menaces du CIO. Sachez qu’en cas de boycott des Jeux, l’Allemagne ne participera plus à aucune compétition internationale.
Visiblement irrité, il se leva, et, les mains derrière le dos, se mit à arpenter la pièce.
— Loin de moi l’idée de vous contrarier, bredouilla le général. Mais votre ministre de l’Intérieur Wilhelm Frick nous a promis par écrit en 1933 que les Juifs ne seraient pas exclus de l’équipe allemande. C’est sur la base de cette déclaration que le CIO a maintenu l’attribution des Jeux de 1936 à Berlin !
Le Führer balaya l’air du revers de la main.
— La question des Juifs allemands est une affaire intérieure qui ne concerne pas le CIO, martela-t-il sèchement. Par ailleurs, nous ne sommes absolument pas disposés à entraîner les athlètes juifs pour que leurs performances leur permettent de participer à l’olympiade. Il appartient au Reichsportführer en dernier ressort de sélectionner les membres de l’équipe allemande dans le respect des règlements olympiques, certes, mais aussi sur la base des performances établies. Pour tout dire, nous ne sommes pas prêts à sélectionner des sportifs juifs pour plaire au CIO ou à ceux qui réclament le boycott, si les performances de ces athlètes sont médiocres.
— Mais une athlète comme Helene Mayer a été championne olympique en 1928, objecta le général Sherrill. Il n’est pas juste qu’elle soit aujourd’hui exclue sous prétexte qu’elle est juive !
Goebbels grimaça. Le cas d’Helene Mayer était délicat. Exilée en Amérique, cette Allemande était de mère juive, mais ses grands-parents étaient aryens. Sa participation pouvait donc être tolérée.
— Le cas d’Helene Mayer sera bientôt réglé, répliqua le ministre. N’en faites pas un symbole !
— Dites à vos collègues, reprit Hitler, que les Juifs ne sont pas persécutés, ils sont simplement « séparés » des Allemands de bonne souche. Dites-leur aussi que le Comité olympique allemand respectera les conditions requises par le CIO. Rassurez-les. Les visiteurs et participants aux Jeux peuvent être certains de trouver à Berlin un accueil parfaitement cordial sans courir le risque d’être froissés dans leurs convictions…
— Je n’y manquerai pas, fit Sherrill en se levant. Vos paroles sont pour nous une garantie suffisante…
— Permettez-nous de vous inviter au Congrès de la liberté organisé par le parti, proposa alors Goebbels en lui remettant un laissez-passer. Vous vous y rendrez à bord d’un train spécial.
— Je vous en remercie, bredouilla le général en rougissant. J’accepte votre invitation avec joie.
Au moment de sortir, le Führer lui serra la main. Emu, Sherrill s’inclina :
— Puis-je me permettre de vous demander de me dédicacer votre photo, ce serait un grand honneur pour moi !
Dès qu’il fut parti, le Führer se tourna vers Goebbels.
— C’est un pauvre type.
— Oui, mais il nous soutiendra !
— Où en sont les préparatifs des Jeux ?
— Tout sera prêt à temps, mein Führer : la tour géante destinée à accueillir la cloche olympique, les deux nouvelles stations de métro, la voie triomphale pour votre défilé motorisé, le village olympique prévu pour accueillir 4 000 sportifs, le système de communication avec ses kilomètres de lignes téléphoniques, un circuit télévisé fermé desservant une vingtaine de salles autour de Berlin… Nous avons également lancé un vaste chantier pour ravaler les façades des immeubles et bâtiments publics de la ville et, dans la perspective des milliers de visiteurs attendus, formé trente mille interprètes et réquisitionné cinq mille voitures…
— Et la presse ?
— L’ Olympia Pressedienst est en place. Il a déjà édité en quatorze langues du matériel de propagande autour du thème : « La fête olympique, fête de paix. »
Hitler se gratta la nuque
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