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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Je vous jure que j’ai le cœur plein d’un respect infini…
    Elle eut un sourire.
    – Respect, dit-elle, qui va jusqu’à vous pousser à un acte hasardeux…
    – Si vous l’ordonnez, je me retire…
    – Non… restez.
    Et d’une voix où, malgré elle, perça son émotion :
    – Cet acte hasardeux, je ne vous en fais pas un reproche… Mais, chevalier, vous aviez sans doute des choses graves à me dire ?
    – Je voulais, madame, vous dire simplement ceci : qu’on se bat demain et que je serai au premier rang de la mêlée, et qu’il y a de fortes possibilités pour que vous m’ayez vu ce soir pour la dernière fois… Or, si je meurs, je trouverais souverainement injuste de n’avoir pu vous dire que je suis mort, heureux de vous donner ma vie, qu’il m’importe peu, à moi étranger, soldat d’aventure, que César soit ou non le maître de l’Italie, que c’est pour vous, pour vous seule que je risque ma vie, et que ma dernière pensée sera pour vous, comme toutes mes pensées vont à vous depuis l’heure bénie où je vous rencontrai sur la route de Florence, et qu’enfin, madame, je vous aime…
    Elle ne fit pas un geste de protestation. Elle avait écouté gravement, en regardant le chevalier bien en face. Il acheva, d’une voix plus basse, un peu étranglée :
    – Voilà ce que je voulais vous dire, madame. Pardonnez à ma rude franchise de ne savoir point farder, selon les convenances, selon le respect que je dois à la princesse Manfredi…
    Elle étendit la main comme pour l’arrêter. Un violent combat parut se livrer en elle, pendant quelques secondes. Puis ses yeux s’attachèrent aux yeux de Ragastens. Et doucement, gravement, elle prononça :
    – Le prince Manfredi n’est pas mon mari…
    Un vertige le saisit. Il eut peur d’avoir rêvé, ou d’avoir mal entendu, ou de n’avoir pas compris.
    – Que voulez-vous dire, madame ? balbutia-t-il.
    – J’ai épousé le prince, continua-t-elle, parce que je ne voulais épouser aucun des seigneurs qui m’avaient fait comprendre leurs sentiments… Pour trois mois, je suis la fiancée de Manfredi… Et si, dans trois mois, le prince revient sur sa générosité, si l’époux l’emporte en lui sur le père qu’il a toujours été pour moi…
    Elle s’arrêta, oppressée, non pas effrayée, mais violemment émue par l’aveu qui était sur ses lèvres…
    – Oh ! murmura Ragastens, achevez !…
    – Eh bien, alors, chevalier, la mort unira ceux que la vie aura séparés !…
    Ragastens jeta un faible cri et tomba à genoux, couvrant de baisers passionnés la petite main qui lui était tendue.
    – Et maintenant, reprit-elle avec plus de calme, partez, chevalier… Si vous succombez, demain, ou dans une autre bataille, dites-vous que votre pensée et la mienne n’en font plus qu’une… Allez…
    Ragastens se leva.
    – Je pars, dit-il d’une voix ardente ; mais pas avant de vous avoir dit que maintenant, je défie la mort, et que, pour te conquérir, je bouleverserai un monde !…
    En même temps, et avant qu’elle eût pu faire un geste de défense, ses deux bras enlacèrent sa taille souple et ses lèvres se posèrent, brûlantes, sur les lèvres de Primevère. Elle retomba sur le banc, presque évanouie, tandis qu’éperdu, insensé, se mordant jusqu’au sang les lèvres pour ne pas crier son bonheur aux étoiles, Ragastens s’enfuyait à travers le parc.
    Une heure plus tard, Primevère regagna son appartement. Or, un peu en arrière du banc, s’élevait le vieux tronc d’un saule pleureur, dont le branchage flexible retombait de toutes parts. Ce tronc était à moitié creusé : le saule était vieux.
    Quelques minutes après le départ de Primevère, l’ombre du tronc sembla se dédoubler, ou plutôt une ombre s’en détacha silencieusement… C’était une femme…
    Elle accompagna d’un regard la silhouette blanche de Primevère qui se perdait au loin dans la nuit. Alors, elle recula en ricanant :
    – Touchante entrevue ! L’idylle se développe… Insensés qui n’ont pas deviné la tragédie qui les guette !…
    Alors, cette femme se dirigea rapidement vers le fond du parc. Là, il y avait une porte. Près de cette porte, un homme, l’un des domestiques du palais, attendait. La femme lui tendit une bourse que le valet saisit avidement.
    – Faudra-t-il que j’attende demain la signora ?
    – Oui ; demain, et tous les soirs suivants, comme hier, comme ce

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