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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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impossible, reprit Lucrèce. Le pape ne peut tolérer une pareille usurpation de ses droits… Le roi d’Espagne est trop catholique pour ne pas le comprendre… Et, s’il le faut, on l’aidera à comprendre…
    – Diable ! Tu te fâches, Lucrèce ? ricana César. Qu’y a-t-il ?…
    – Rien… une misère.
    Ragastens assistait avec une stupéfaction croissante à cette scène où Lucrèce se révélait. Elle était la papesse !… Une sorte d’écœurement lui venait devant le flagrant délit de cette impudente audace. Il s’était un peu reculé, dans la pénombre d’une encoignure. Mais de là, il voyait tout, il entendait tout…
    – Écrivez, dit à ce moment Lucrèce en se tournant vers l’un des secrétaires, écrivez au cardinal Orsini que Sa Sainteté le prie à déjeuner demain, en sa villa du Belvédère…
    – Alors, ce pauvre cardinal Orsini déjeune avec nous, demain ? interrogea César à demi-voix.
    – Ça lui apprendra, répondit Lucrèce sur le même ton, ça lui apprendra à faire des enquêtes sur la mort de notre pauvre cher François…
    Ragastens avait entendu. Il frissonna. Il crut avoir entrevu la lugubre signification de cette invitation…
    – À propos, continua Lucrèce tout haut, et l’assassin de notre cher frère, est-il trouvé ?
    – J’ai fait arrêter une vingtaine de chenapans, répondit négligemment César. Une douzaine d’entre eux ont déjà subi la torture, mais pas un de ces faquins ne veut avouer… Il faudra bien pourtant retrouver le scélérat… un tel crime ne saurait demeurer impuni.
    – C’est mon avis, dit froidement Lucrèce.
    Ragastens écoutait de ses deux oreilles et se demandait s’il ne rêvait pas… Il avait sinon la certitude matérielle, du moins la conviction instinctive que le duc de Gandie avait été assassiné au Palais-Riant. Et ce fut avec une horreur insurmontable qu’il entendit César parler, avec un sinistre sourire, de la torture infligée à des malheureux à qui il « fallait » faire avouer le crime qu’ils n’avaient pas commis.
    Il fut sur le point de dire aussitôt à César qu’il était venu pour lui faire ses adieux. La pensée des promesses qu’il avait faites à Raphaël Sanzio le retint. Et il résolut d’attendre la fin de cette scène.
    Il allait se rapprocher de la table à laquelle était assise Lucrèce, lorsqu’une petite porte latérale s’ouvrit. Un moine entra et se dirigea aussitôt vers Lucrèce. Ragastens tressaillit en reconnaissant dom Garconio.
    Celui-ci n’avait pas vu le chevalier. Il s’était arrêté près de la table, et tournait le dos à Ragastens.
    – Eh bien ? demanda Lucrèce au moine.
    – Princesse, c’est fait.
    – Bon ! Voilà qui va faire plaisir à mon père.
    – La chose a marché toute seule… Nous avons à moitié assommé le peintre…
    – Pas tué, j’espère ?… Mon père tient à ce qu’il achève cette Transfiguration… Caprice de vieillard…
    – Non, princesse, pas tué… à demi assommé seulement… Il en reviendra… Quant à la petite, nous n’avons eu qu’à la cueillir dans nos bras… et, selon vos ordres, nous l’avons conduite au Tivoli…
    – Parfait ! Vous pouvez vous retirer, maître Garconio… Monsieur l’introducteur, ajouta-t-elle à haute voix, veuillez annoncer que l’audience est terminée…
    Le moine s’était retiré. Ragastens, livide, la sueur au front, s’était mordu la lèvre jusqu’au sang pour ne pas crier…

XVII – UNE BONNE IDÉE DE PAPE
 
    Ainsi, c’était Garconio qui avait enlevé Rosita… Ainsi, c’était sur l’ordre de Borgia que cet enlèvement avait été exécuté… Et c’est au Tivoli que la jeune femme avait été conduite. Ragastens, frappé d’une sorte de stupeur, se demanda de quels formidables bandits se composait décidément cette famille des Borgia, au service desquels il était venu s’engager !
    Mais dans quel but cet enlèvement ? Il osait à peine l’imaginer. Et pourtant, ce mot de « Tivoli », qu’il avait saisi au vol, était presque un trait de lumière… Il se rappelait tout ce qui se disait à Rome sur cette maison de campagne du pape… il évoquait les récits d’orgie et de débauche qu’on se chuchotait…
    Il frémit en songeant à Raphaël qui lui avait inspiré si vite une si chaude amitié. Il fallait avant tout le prévenir.
    Ragastens cherchait des yeux par où il pourrait s’éclipser sans attirer l’attention de César,

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