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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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grands seigneurs de Rome, et n’ai entrevu que crimes atroces. Je rencontre un bandit : il me sauve ! J’arrive chez un simple aubergiste : il me protège. Ah çà, est-ce que pour trouver la noblesse du cœur, il faut aller loin de la noblesse de parchemin ?… »
    Ces philosophiques réflexions furent interrompues par l’arrivée de Spadacappa.
    – Tu as déjeuné ? demanda le chevalier.
    – Comme je n’avais pas déjeuné depuis dix ans, monsieur ! C’est étonnant ce que ça donne de l’appétit de savoir que le pain qu’on mange n’est pas le prix du sang !
    – Bon !… Tu es reposé ?
    – Prêt à chevaucher jusqu’à la nuit, s’il le faut.
    – Cela tombe à merveille. Tu vas retourner à Rome.
    – À Rome ? s’écria Spadacape avec terreur. Est-ce que monsieur le chevalier a assez de moi ?…
    – Non ! Sois tranquille. Tu vas retourner à Rome, d’un bon trot. Connais-tu la rue des Quatre-Fontaines ?
    – Je crois bien ! L’eau de la fontaine à quatre bouches m’a souvent servi de vin d’Asti…
    – Eh bien, interrompit Ragastens, tu frapperas à une maison qui se trouve juste en face la fontaine. Tu demanderas à parler au seigneur Machiavel… Retiendras-tu ce nom ?
    – Machiavel, je le tiens là !
    – Quand tu l’auras vu, tu lui diras simplement qu’il prévienne son ami Raphaël Sanzio que je suis ici et que j’attendrai jusqu’à demain. Et puis, tu reviendras. Tu as compris ?
    – Admirablement. Quand faut-il partir ?
    – Tout de suite.
    Spadacappa se précipita. Trois minutes plus tard, Ragastens entendait le trot relevé de son cheval qui s’éloignait grand train.
    – Maintenant, se dit-il, j’ai quelques heures devant moi. Songeons à les employer utilement, c’est-à-dire à nous refaire quelques forces.
    Cela dit, Ragastens s’allongea sur le canapé. Une minute, les figures confuses de Primevère, de Lucrèce et de César passèrent et repassèrent devant son imagination. Et bientôt, il s’endormit d’un profond sommeil.
     
    La robuste constitution de César triompha du commencement d’apoplexie qu’il devait aux doigts de fer du chevalier. Peu à peu, il revint à lui. L’étonnement le paralysa d’abord, quand il se vit enchaîné dans le cachot qu’un reste de sa torche continuait à éclairer.
    Cet étonnement ne dura pas. Il fit place à un accès de fureur folle. César se mit à rugir.
    Après la fureur vint la terreur. Car nul ne l’entendait ! Nul ne venait le délivrer. Et ses cheveux se dressèrent sur sa tête lorsqu’il se demanda si on n’allait pas l’oublier là !…
    Tout à coup un bruit de pas précipités parvint à ses oreilles. L’épouvante qui blêmissait son visage disparut aussitôt et il n’y eut plus dans ses yeux qu’un éclair de rage féroce. Il se tut, ruminant d’horribles vengeances. Et lorsque le cachot fut soudain envahi par la foule des officiers, des gardes et du geôlier, il se contenta de dire d’une voix rauque :
    – Qu’on brise ces cadenas…
    – Ah ! Monseigneur ! Monseigneur ! balbutiaient les infortunés qui tremblaient devant la colère blanche de César et prévoyaient que l’orage allait crever sur eux.
    Dix minutes se passèrent, pendant lesquelles on entendit les grincements des limes et des tenailles. Enfin, César se trouva libre. Ses yeux firent le tour des gardiens accourus. Un silence terrible pesa sur ce groupe glacé de terreur.
    – Quel était le gardien de service au quatrième cercle ? demanda César.
    – Moi, Monseigneur ! fit une sorte de colosse à barbe broussailleuse et aux poings formidables, qui s’avança d’un pas, courbé, livide d’effroi.
    – Tu n’as pas entendu mes cris ?
    – Non, Monseigneur…
    – Ah ! Tu n’as rien entendu ? Tu dormais, n’est-ce pas ?… Attends, je vais te faire dormir pour toujours…
    Il saisit le colosse par le bras et le poussa devant lui, tandis que les spectateurs de cette scène se collaient aux murs, les jambes flageolantes. L’hercule se laissa pousser comme un enfant. César l’accula au couloir de droite… devant le trou circulaire et noir… devant le puits aux reptiles… le sixième cercle de l’enfer des Borgia !…
    – Saute ! dit froidement César.
    Le colosse se jeta à genoux, les mains tendues.
    – Grâce, Monseigneur !…
    – Saute, brute !
    – Grâce pour ma femme et mes enfants !… Grâce !…
    Il ne put en dire plus long. D’une brusque

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