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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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poussée du pied, César l’avait précipité dans le puits. Le malheureux essaya un instant de se cramponner aux rebords de pierre. Mais la pierre était lisse et taillée en pointe : il tomba avec un effroyable hurlement d’épouvante. On entendit le sourd clapotement de l’eau, et aussitôt montèrent du fonds du puits des espèces de grognements, de jappements insensés : c’était le geôlier qui commençait dans la nuit sa hideuse bataille contre les rats affamés… César se retourna.
    – Qui commandait le poste, là-haut ? fit-il.
    – Moi, Monseigneur, répondit un officier.
    D’un geste brusque, César arracha la dague d’un garde qui se trouvait près de lui et d’un seul coup, l’enfonça dans l’épaule de l’homme. L’officier tomba sans un cri, rendant un flot de sang par la bouche, tué raide.
    César regarda alors les autres officiers, gardes et geôliers. Il tremblait légèrement sous l’effort de l’accès de fureur délirante. Un peu d’écume blanche moussait aux coins de ses lèvres.
    Il y avait là vingt-trois hommes, il les compta : officiers courageux qui avaient risqué vingt fois leur vie, geôliers herculéens qui auraient pu l’écraser d’un coup de poing. Pas un ne bronchait. Ils étaient blancs comme des cadavres, et attendaient.
    – Vous autres… dit tout à coup César.
    Il chercha. Il y eut quelques secondes d’attente, effrayantes, pendant lesquelles on entendit seulement les grognements de folie qui montaient du puits aux reptiles.
    – Vous autres, reprit-il, ayant trouvé, entrez là !…
    Il désigna la cellule où Ragastens l’avait enchaîné. Sans un mot, sans un geste de supplication inutile, ils entrèrent. César ferma la porte de fer. Alors seulement il poussa un profond soupir de soulagement.
    – Qu’ils crèvent ! murmura-t-il. Qu’ils crèvent de faim et de soif, tous !
    Quinze ans plus tard, on retrouva, dans cette cellule, vingt-trois squelettes entassés, dans des positions hideuses : on eut dit les squelettes d’un troupeau de bêtes féroces mortes en essayant de s’entre-dévorer.
    César enfila le couloir à gauche, suivant le chemin qu’avait pris Ragastens. Au pied de l’escalier, une ombre se dressa devant lui.
    – Et toi ? gronda-t-il, qui es-tu ?…
    Un éclat de rire lui répondit.
    – Lucrèce ! exclama César.
    – Moi-même ! C’est moi qui suis venue donner l’alarme et t’ai fait délivrer…
    – Toi !… Comment savais-tu ?…
    – Viens ! Je vais te dire… C’est Ragastens lui-même qui a eu le cynisme de tout me raconter… Le misérable a ensuite voulu me poignarder… Mais viens, je vais tout te dire par le détail…
    Quelques minutes plus tard, César lançait ordres sur ordres, estafettes sur estafettes, le tocsin sonnait aux trois cents clochers de Rome et tous les crieurs de la ville parcouraient les rues en s’arrêtant tous les cinquante pas pour jeter à la foule ces promesses qui devaient faire travailler plus d’une cervelle :
    «  À quiconque, noble ou manant, bourgeois ou homme d’armes, prêtre ou laïque, Romain ou étranger, sont promis et jurés solennellement par Notre Saint-Père le pape Alexandre Sixième :
    «  Pardon et grâce complète de ses fautes, ou crimes quels qu’ils soient, rémission de tous ses péchés passés et présents, indulgence plénière pour toute sa vie, s’il s’empare du terrible et forcené Ragastens ;
    «  Plus, mille ducats d’or s’il apporte aux officiers de la justice pontificale la tête du bandit Ragastens, convaincu de félonie, trahison, apostasie, assassinat et tentative d’assassinat ;
    «  Plus, trois mille ducats d’or s’il amène ledit bandit Ragastens vivant entre les mains des officiers de la justice pontificale. »

XXVIII – UNE LITIÈRE PASSA
 
    Le soleil déclinait à l’horizon lorsqu’un bruit de pas montant l’escalier de bois le réveilla. Aussitôt, il fut sur pied et alla ouvrir la porte. Spadacape entra, suivi de Raphaël Sanzio et de Machiavel.
    – Vous ! s’écria joyeusement le chevalier en tendant les deux mains au jeune peintre.
    – Cher ami ! fit celui-ci. Que vous arrive-t-il donc ?… J’ai appris votre arrestation… J’ai su qu’on allait vous exécuter… Puis, ce matin, voilà toute la ville en l’air, le tocsin qui sonne… les crieurs qui annoncent que votre tête est mise à prix…
    – Procédons avec méthode, dit Ragastens assez étonné de voir Raphaël

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