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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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ses amis. Il prenait soin de
faire partager son bonheur et se montrait toujours heureux de trouver des
tuyaux pour ses copains. Dans tous les cas, il n’ignorait pas que
l’intelligentsia des côtes Est et Ouest le considérait comme un veinard. Bien
qu’il se rendît compte de la faible influence dont il pouvait jouir dans ce
domaine, Richard persistait toujours à mettre en avant le travail d’écrivains
qui lui tenaient à cœur, même si ses efforts n’étaient que rarement couronnés
de succès.
    En 1974, après s’être investi personnellement pour défendre,
sans résultat commercial tangible, les bouquins de ses comparses, il dit en
plaisantant qu’un « coup de pouce de sa part était un baiser de la
mort ».
    En ce qui me concerne, quels que furent ses efforts pour me
recommander à d’autres, rien n’y fit. Cela se transforma finalement en
plaisanteries ; il prétendait être devenu mon « manager »,
l’agent de ma carrière littéraire – doux euphémisme pour évoquer mes
virées à San Francisco et les soirées que nous fréquentions. C’est à Monterey,
en 1971, à l’époque où j’y vivais, qu’a débuté cette « farce de
manager ». Richard m’avait rendu visite et s’était installé avec Bruce, le
frère de Price Dunn, pendant les vacances de Pâques.
    Pour fêter la sortie de son dernier recueil de nouvelles,
nous avions prévu une soirée. Afin de panacher les convives, j’avais invité mon
ami John Veglia, prof dans un lycée privé des environs de Monterey, à qui
j’avais suggéré de venir avec quelques-uns de ses étudiants. Parmi eux, une
jolie blonde recevait la visite de son petit copain de la côte Est, qui se
trouvait être le rédacteur en chef de la revue littéraire d’une université de
l’Ivy League. Le rédacteur souhaitait coûte que coûte rencontrer Richard, dans
le but d’obtenir quelques travaux pour un numéro spécial consacré aux nouveaux
écrivains intéressants de la côte Ouest. Quand j’ai fait part à Richard de
cette chance inouïe, il a déclaré qu’il fallait absolument que mes écrits
soient aussi retenus. Il a juré qu’il allait s’occuper de tout cela.
    Dès le début de la soirée, le courant est tout de suite
passé entre Richard, le rédacteur et moi. Nous avons passé la majeure partie de
notre temps dans un coin, à parler de littérature. Quand le gars a demandé des
textes à Richard, celui-ci l’a assuré qu’il lui enverrait certaines de ses
nouvelles, mais a mentionné qu’il devait aussi jeter un œil à quelques
chapitres de mon premier roman Gush. Impressionné par l’enthousiasme de
Richard, le rédacteur en chef a acquiescé. Le vin blanc coulait à flots, tout
semblait parfaitement rouler.
    Le type a fait un tour aux gogues. Et Richard, fier de son
sens de l’intrigue littéraire, de commenter :
    « Eh bien, tu vois, c’est pas plus
difficile ! »
    Pendant ce temps, la petite amie du rédacteur avait été
superbement ignorée, et elle commençait à montrer des signes d’énervement. Plus
tard, Price déclara « qu’elle se trouvait là-bas dans la cuisine, occupée
à nettoyer les amygdales de chaque mec qu’elle rencontrait ». Elle en est
finalement arrivée à un Bruce chauffé à blanc par cette soirée, qui nageait
dans une euphorie tout irlandaise. Lorsqu’elle lui a demandé une danse, en hôte
accueillant, il la lui a accordée.
    Le rédacteur en chef, revenu s’asseoir à nos côtés pour
reprendre notre bavardage littéraire, a levé la tête, et a aperçu sa copine,
dehors, sur la piste de danse avec Bruce. Les enceintes avaient beau souffler
un rock énergique, Bruce et la jeune femme se livraient au plus langoureux des
slows, ce qui semblait nécessiter qu’ils se tiennent extrêmement serrés l’un à
l’autre et se roulent un interminable patin.
    Le rédacteur s’est redressé, a bondi sur eux, a tapoté
l’épaule de Bruce. Sans pour autant interrompre sa danse, Bruce tourna la tête,
et le rédac’chef lui a allongé une praline en pleine caboche. Ce n’était pas
tout à fait ce à quoi il s’attendait. Quelques instants auparavant, il avait
une agréable langue chaude dans la bouche, maintenant, c’était un poing.
    Quand il a réalisé toute la différence que cela faisait, une
expression de perplexité s’est peinte sur son visage. Il s’écartait de la
fille, quand le type, à nouveau, l’a castagné.
    Bruce en était encore à cogiter sur ces deux

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