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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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Lani fut une fois
accostée par un vétéran psychotique du Viêt-nam. Nous vivions dans une zone en
état de guerre, et je faisais la navette entre les zones d’émeute.
    Nous ne pouvions financièrement nous permettre un autre
déménagement. Nous nous sommes donc efforcés de faire avec. Je pris l’habitude
de quitter l’appartement avec juste en poche de quoi me payer le bus, au cas où
je me ferais attaquer. Je ne quittais plus mon transistor, à l’écoute de toute
nouvelle violence, de façon à pouvoir entrer dans la fac par l’accès le mieux
protégé.
    Heureusement, Lani a touché un petit héritage pendant
l’hiver. Nous avons quitté la Californie pour l’Angleterre. Je traversais une
période de dépression, due au climat de guerre que nous venions de subir, et
mes travaux d’écriture ne furent pas concluants. Mon journal devint à cette
époque une mosaïque de poèmes sans aucune information concernant l’actualité,
comme si tout effort pour rester en contact avec la réalité chronologique
dépassait mes forces. Pourtant, les nouvelles de Brautigan parues dans Rolling Stone se trouvent collées à la fin de mon cahier. Ses fictions
constituaient mon seul contact avec San Francisco.
    Puis nous avons emménagé à Bellingham, où j’ai repris les
études à l’université d’État du Washington. Sur place, j’ai organisé une
conférence-lecture pour Brautigan et McLure. Radieux et en verve, Richard
resplendissait de confiance. Il m’a montré les épreuves de La Vengeance de
la pelouse et m’a parlé du contrat ô combien lucratif qu’il venait de
passer avec Simon & Schuster. Les autres copains de San Francisco, quant à
eux, laissaient échapper à son encontre des gargouillis d’aigreur. Les ventes
remarquables des livres publiés par les éditions Delacorte semblaient avoir
créé là-bas un remous d’envie et de jalousie dans la communauté littéraire.
    Automne 1970, retour à Monterey. Je n’avais pas d’argent et
peu de projets. A Bellingham, j’avais terminé le brouillon de mon roman Gush. Grâce au concours de Richard, le roman circula, mais personne ne se
porta acquéreur. Je me remis à des travaux de jardinage, me constituant une
clientèle pour les après-midi, réservant mes matinées à l’écriture. Au début
des années 70, à chacune de mes virées à San Francisco, je prévoyais une
journée avec Richard. Et il en profitait pour m’abreuver de bonnes nouvelles.
Entretemps, l’accueil que la critique avait réservé à son travail, déjà loin
d’être unanime au début, devenait franchement sévère. Sa préoccupation première
consistait à sauvegarder sa vie privée. Il était demandé partout, ses éditeurs
le sollicitaient pour des déclarations, de la promo, etc. Mais Richard avait
compris que ses livres n’avaient pas besoin de cette publicité pour bien se
vendre. Si bien qu’il négligea cet aspect. Certaines personnes qualifièrent son
comportement d’arrogant, car il ne s’en expliqua jamais. Il refusait. Point. Sa
vie privée était constamment dérangée. Il adorait sa célébrité et faisait la
cour au public en se montrant souvent chez Enrico, par exemple, mais il se
plaignait des incursions dans sa vie privée –, et particulièrement dans
son passé. Il était alors inutile de lui faire entendre qu’il ne pouvait pas
être gagnant sur les deux tableaux.
    Durant l’année 1969, un journaliste se déclara biographe de
Brautigan et se mit à le harceler. Le casse-pieds avait réclamé son certificat
de naissance à Tacoma. Richard a ouvert un jour la porte à un inconnu, qui lui
brandissait le document au visage, comme s’il s’agissait d’un passeport pour se
ruer dans sa vie.
    « Bon, et maintenant, tu vas me laisser l’écrire, ta
bio ? » lui lança-t-il en s’immisçant chez lui.
    Richard fit faire demi-tour au gars. Il l’escorta jusqu’à la
sortie. Par la suite, il écrivit un poème au sujet de ce soi-disant biographe,
intitulé « Le Charpentier cannibale » :
    Il veut de tes propres os bâtir une maison, mais c’est
justement là que tu habites, toi de toute façon.
    La prochaine fois qu’il téléphone, tu prends la voix de
ta grand-mère en train de naître. C’était en 1884, l’accouchement a duré
trente-trois heures. Il raccroche.
    Que la popularité de Brautigan soit parvenue à
court-circuiter les échelons de l’establishment littéraire, voilà qui lui
attira les foudres de ce que Tom McGuane

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