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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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habitude
phallocrate consistant à ne jamais s’adresser aux femmes de ses amis. Lani se
rebaptisa elle-même ainsi que les autres femmes de nos amis « Les Veuves
de Brautigan », car Richard venait débaucher leurs maris pour des virées
nocturnes, n’y associant que très rarement leurs épouses. Quand je fis part à
Richard de cette appellation, il se sentit gêné. Et passablement ennuyé, aussi.
Résolu à faire la paix, il invita Lani et Cyndi, la copine de Bruce Dunn, à
l’accompagner, lui et son amie, pour une tournée sur North Beach. Il paya le
repas, la boisson et le reste, en guise de réparation pour les dommages
domestiques qu’il avait pu occasionner. En tout cas, le lendemain de ce geste
de conciliation, Lani resta au lit, à ronchonner à propos des milk-shakes au
Grand Marnier. Il n’y eut pas de demande pressante pour remettre ça sur le
tapis.
    Inévitablement, les histoires avec ses maîtresses
s’achevaient dans la rancœur. Même dans les relations fondées sur le respect
mutuel, sa peur paranoïaque reprenait le dessus. Il craignait le pouvoir que
les femmes exerçaient sur sa vie émotionnelle. Schéma caractéristique de ceux
qui ont connu une enfance difficile. Il mettait ses maîtresses à l’épreuve, il
les repoussait, tout en réclamant affection et attention. Il les abandonnait
pour retrouver ses habitudes de célibataire, sur North Beach, faisant sien ce
fameux double statut que les adeptes masculins de la bohème semblent
particulièrement chérir. Il abandonnait ses partenaires à la maison. Toutefois,
il lui arrivait, sans doute dans un élan de culpabilité inspiré par son
comportement, d’exagérer son rôle d’homme-à-la-maison.
    « Ni lui ni moi ne désirions avoir un enfant »,
rapporta Siew-Hwa, « mais il est rentré un soir à la maison – un
peu saoul et plus ou moins triste – en disant : “Je sais que tu
veux des enfants. Toi, tu n’as que 28 ou 29 ans. ” Cette responsabilité
l’effrayait.
    « C’est Richard qui a détruit notre relation, je n’ai
pas peur de le dire. Il a instauré un jeu dangereux de destruction qui
aboutissait systématiquement à des dissensions entre nous. Sortir le soir
jusqu’à n’importe quelle heure, par exemple. Il n’a jamais ramené de femme à
l’appartement, mais il en voyait d’autres. Il rentrait alors et disait :
“Oh ! maintenant nous sommes trois. ” Je répondais : “Richard, c’est
toi qui es en train de tout foutre en l’air. Cela vient de toi, tu peux encore
t’arrêter. ” Nous sommes restés ensemble pendant deux ans. J’ai l’impression
que cela a duré une décennie entière, tout a été tellement intense. »
    Ce qui était suprêmement important à ses yeux, c’était de
protéger son talent, ce talent qui lui avait permis de se sortir d’une vie de
misère. De plus, il ne voyait vraiment pas comment changer le personnage qu’il
incarnait, qu’il avait hérité de son éducation. Siew-Hwa affirme :
    « Il aimait répéter : “On ne change pas. Le
changement, je n’y crois pas. ” C’est cela, je crois, la brèche tragique :
sa vision pouvait avoir l’éclat du rayon laser, mais, d’une manière ou d’une
autre, il se méfiait des analyses. Analyser, voilà qui risquait d’avoir raison
de son talent, de ses qualités. Il pouvait vous écouter, et tout semblait
parfaitement se dérouler ; quand soudain, il se laissait envahir par une
ombre soudaine, et il disait : “Non, ce n’est pas possible. ” »
Certaines femmes trouvèrent qu’il était plus facile de n’être que l’amie de
Richard plutôt que sa maîtresse ; et peu nombreuses furent celles de ses
copines qui gardèrent le contact par la suite. Valérie Estes fut l’une d’elles.
Il respectait ses résultats universitaires. Lorsqu’une bourse Danforth lui fut
allouée pour poursuivre ses études, c’est lui qui m’appela pour m’annoncer la
nouvelle. Elle savait aussi comment le remettre à sa place quand il le fallait.
Dans les années 70, quand il laissait un message mielleux sur son répondeur,
comme quoi il était sorti, s’extasiant sur la douce lumière du soleil, alors
elle pourfendait sa tirade d’une remarque acerbe, l’invitant à laisser tomber
ces couillonneries périmées de vieux « babe ». Il prenait un plaisir
fou à me raconter cela. Mais à cette époque ils n’étaient plus amants,
seulement bons amis. Un tel ton critique n’aurait pas été toléré

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