Brautigan, Un Rêveur à Babylone
avait interrompu leur relation, entre autres parce que
« c’était finalement pas un si bon coup ». Brautigan éprouvait
toujours le besoin d’être entouré, mais ses habitudes de vie nocturne ne
menaient que rarement à une vie de foyer très stable.
S’il fallait trouver un point commun entre toutes ses
copines, ce serait leur finesse d’esprit.
« Chez les femmes, l’intelligence me fait l’effet d’un
aphrodisiaque », a-t-il écrit.
Il se plaisait à s’engager dans des discussions
intellectuelles avec les femmes, mais uniquement pendant la phase de séduction.
Alors, à longueur de journée, il ne parlait plus que de cette copine. Mais que
l’histoire d’amour vînt à se rafraîchir ou qu’il fût question d’engagement
sentimental, et l’on n’en entendait plus parler, quand bien même ils étaient
encore ensemble.
Or, c’est justement parce que la plupart des copines de
Richard faisaient preuve d’intelligence que peu d’entre elles envisageaient une
union à long terme avec lui. La plupart étaient en quête de quelque chose
d’autre, d’une autre manière de considérer le monde. Et dans ce domaine,
Brautigan leur apportait entière satisfaction. Les filles qui sortirent avec
lui ne recherchaient pas un mari. Elles s’attendaient à de la spontanéité, et,
sur ce point, elles ne furent certainement pas déçues, même si Richard
traversait aussi des moments diaboliques. Cela faisait partie du marché.
« Un des traits les plus compliqués chez Richard,
c’était ses sautes d’humeur », commentait son amie Siew-Hwa Beh. « Il
n’y avait pas de règle. Cela pouvait changer d’une heure à l’autre, d’un jour à
l’autre. Le tout, dilué dans l’alcool, était difficile à vivre. Il pouvait passer
d’un état vraiment exubérant à une phase sombre de dépression, il pouvait être
méchant et mauvais, puis nostalgique ou sentimental. Parfois, transcendant,
philosophe. Richard ne parlait jamais de ce qui le préoccupait. Il allait
plutôt raconter une histoire, ou imaginer quelque chose d’amusant. »
Le caractère imprévisible de Richard se traduisait dans la
vie de tous les jours de manière étrange et parfois agréable. Valérie Estes se
souvient de Richard s’essayant à réparer le rideau de douche de leur appartement.
Il trouva finalement une solution grâce à du ruban adhésif italien de couleur
verte. Cette découverte le charma tant qu’il devint un vrai Monsieur Bricolage.
« Après cela, quand je rentrais à la maison, je partais
à la recherche du nouveau truc qu’il avait fatalement emmailloté dans du
chatterton italien vert. Bien vite, rien dans la maison ne fut épargné par
cette vague de chatterton italien vert. »
Nombre de ses autres crises d’enthousiasme étaient plus
contagieuses encore. Marcia Clay, une de ses amies artistes, rapporta combien
il était fasciné par les romanciers japonais, mais ne trouvait personne avec
qui en discuter. Quand il apprit qu’elle n’avait pas lu lesdits écrivains, il
l’emmena dans le quartier japonais de la ville et acheta une pile de romans.
Comme Marcia passait ses nuits à peindre, Richard, perpétuel hibou, faisait un
saut à son studio. Ils discutaient jusqu’au petit matin de Kawabata, Tanizaki
et Kenzaburo Œ.
S’il aimait que sa gloire pousse les gens à l’aborder dans
la rue, il n’en appréciait pas moins que son image médiatique passe inaperçue.
De prime abord, Siew-Hwa Beh attira Richard car elle n’avait jamais entendu
parler de son travail. Elle lui demanda ce qu’il faisait dans la vie, et il
répondit « Je suis celui qui a écrit La Pêche à la truite en Amérique ».
Elle lui répondit qu’elle n’y connaissait rien en sport. Elle, c’était le
cinéma qu’elle étudiait. A ses côtés, Richard se sentait libéré de son image de
hippie. Le cinéma, c’était vraiment son truc. La connaissance qu’elle avait de
ce milieu le fascinait, ainsi que la population dans laquelle elle évoluait.
En société, Brautigan appréciait la compagnie des femmes.
« Je me sens très proche des femmes. Je me permets
souvent de leur poser des questions qu’il me serait difficile de poser à un
homme. Les femmes sont plus réceptives à mes idées bizarres. »
Il attachait beaucoup d’importance à l’opinion des femmes.
Toutefois il négligeait souvent les femmes mariées pour se focaliser plus
volontiers sur des célibataires. Brautigan avait cette détestable
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