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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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d’une
partenaire romantique. En outre, elle aurait trouvé bien difficile de rester
proche d’un homme qui se laissait si aisément distraire par quelques
adoratrices au joli minois.
    Cela m’a toujours amusé de savoir que ses fans puissent le
considérer comme un homme doté de sens pratique dans la vie de tous les jours.
Ce n’était pas le cas. Le problème domestique le plus élémentaire le plongeait
dans des abîmes de méfiance. Ianthe se souvient de ses années
d’adolescence : avec quelle force il la dissuadait de remplacer une
ampoule électrique.
    « La mort instantanée, le démembrement, voilà ce
qu’elle risquait », insistait-il. Sans doute son origine modeste en
était-elle la cause. A propos des boîtes de conserve, Richard déclara une
fois : « On m’a toujours dit que la nourriture pouvait tuer. »
Il raconta à Ianthe qu’à l’époque de l’Aide sociale, ils furent placés, lui, sa
mère et sa sœur, dans un garage où le four fonctionnait au gaz. Horrifiée à
l’idée d’une explosion, sa mère n’osa jamais allumer le four. Elle préparait
des repas froids, Nuit après nuit, elle restait éveillée, à renifler une
hypothétique fuite de gaz.
    Le monde vu à travers les yeux de Brautigan ressemblait à
une comédie à la Buster Keaton : les objets inanimés conspirent pour
détrousser le héros de sa dignité, de sa tranquillité d’esprit. Il n’apprit
jamais à conduire. Ne posséda une voiture que tard dans sa vie, une fois
installé dans son ranch du Montana. Et encore était-elle pilotée exclusivement
par ses invités, afin qu’ils le conduisent à Livingston ou Bozeman, les villes
des environs.
    Quand ses fans faisaient une descente chez lui, bien souvent
les idées préconçues qu’ils avaient pu se forger donnaient lieu à des
situations du plus grand comique. Une fois qu’il était entendu que quelques
nouveaux fans seraient invités dans son appartement de Geary Street, l’un de
ses apartés favoris était :
    « Attends un peu qu’ils voient à quoi ça ressemble, chez
Brautigan [3] . »
Il était tout à fait conscient de ses propres excentricités. Il se plaisait à
ironiser sur ses tics archaïques comme dans Avortement, où il décrit le
personnage Richard Brautigan, auteur de Dans ma maison un grand cerf, roman
inédit.
    « L’auteur était grand et blond avec une longue
moustache qui lui donnait l’air anachronique.
    « On aurait dit quelqu’un qui se serait trouvé à son
aise dans une autre époque. »
    Les contradictions plongeaient Richard dans le ravissement,
comme c’était le cas avec la terreur tragi-comique qu’il éprouvait à propos des
changements physiques. Dont l’une des conséquences fut de le bloquer dans le
ghetto gothique de son appartement bordélique, pendant encore plusieurs années
après avoir touché le gros lot.
    « Mes potes ne cessent de me répéter que je devrais
déménager. Z’ont p’têt’pas tort. J’ai remarqué que, à chaque fois que j’emmène
une nouvelle copine chez moi, notre relation en prend un coup quand elle
aperçoit (il marquait une pause, adoptant son lugubre ton “gothique”) le
“Musée” ! »
    Cette allusion au film d’horreur The Wax Muséum faisait
référence à l’artiste Bruce Conner qui avait rebaptisé ainsi l’appartement de
Brautigan, avec toutes ces étagères ployant sous les bricoles de mauvais goût
et les souvenirs de pacotille.
    Quand l’argent et la gloire le propulsèrent dans un monde de
vedettes de cinéma et de contrats hollywoodiens, Brautigan ne se sentit pas
chez lui. Même si, pendant les cinq premières années, il réussit à mener une
vie cosmopolite, à voyager en Europe et à New York. Son humeur s’est longtemps
fondée sur sa vie simple de tous les jours. C’est au moment où il abandonna
finalement son drôle de style de vie qu’il perdit une partie significative de
lui-même en tant qu’écrivain.
    Le côté face, joyeux, comportait aussi son côté pile, plus
sordide. Ce cafard existentiel, hérité de son enfance, qui s’abattait
périodiquement sur lui l’amenait parfois à s’acharner avec une joie malsaine
sur les autres. Son insistance à rabâcher « On est tous dans la même
galère », il la tenait de l’adolescence. Il ne démordit jamais de ce point
de vue. Ni célébrité ni argent ne pouvaient lui enlever cette idée de la tête.
    Richard avait vécu tout en bas de l’échelle sociale. Une partie
de son moi

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