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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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façon de gouverner, on admire le fait qu’il ait pu tenir tête à une cinquantaine de journalistes sans jamais trahir sa pensée.

    7 avril
    Hier, bureau UDR à l’Assemblée nationale. Chaban arrive, nerveux, regardant l’heure, n’ayant visiblement pas de temps à consacrer aux parlementaires. À peine est-il installé que quelques excités lui tombent dessus. Le prétexte : les crédits du gouvernement aux régions. La réalité : ils ont tous une trouille effroyable des étudiants qui se sont mis à nouveau à manifester. L’ordre, l’ordre ! Comme si Chaban, lui, préférait le désordre !

    8 avril
    Conseil des ministres. Georges Pompidou a fait une longue analyse du phénomène lycéen. « Moi, j’ai été prof, aurait-il dit aux ministres, et je n’ai jamais été chahuté. Mais les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus les jeunes d’autrefois. L’autorité, avant, se marquait dès le départ. Aujourd’hui, les jeunes deviennent adultes sans avoir connu la vie. »

    Paul Granet me raconte la séance du groupe UDR à l’Assemblée nationale, le 6. Le ton, selon lui, n’était pas plus violent que d’habitude, mais la présence de Chaban n’était pas prévue. Il est arrivé en pleine séance de strip-tease des députés de la majorité et a donc eu droit au déballage habituel : « Nous avons été élus pour rétablir l’ordre », lui serinent les parlementaires élus en 1968. La réponse de Chaban fuse : « Mais pas non plus pour jouer les Hitler ! »
    Dans ce type de circonstance, me dit Paul Granet, Chaban n’a pas la réaction de jouer le jeu, d’argumenter pied à pied. Il durcit le ton, et passe mal.
    Je demande à Paul si, à son avis, il est question de démission de Chaban. Toute la majorité y pense, me dit-il. Mais le remplacer par Debré ? Pas possible : les centristes et les giscardiens n’en voudraient pas. Par Edgar Faure ? Ils n’en voudraient pas davantage.
    Au-delà du petit jeu des démissions et des remaniements, ce qui est important, c’est le malaise du pays, la somme des mécontentements sectoriels et des frustrations individuelles. Tout cela, me dit Paul Granet, rend pleine d’aléas l’échéance électorale de 1973. « La majorité est tellement gélatineuse, conclut-il, qu’il n’y aura sans doute pas de rupture entre ses différentes tendances. »
    Perdre les élections, c’est ce dont Pompidou et Chaban ont peur. Quant aux parlementaires, ils ont l’impression de ne pas avoir de bilan à présenter à leurs électeurs. Quel pessimisme ! Il me semble qu’en quelques jours l’atmosphère de la majorité a basculé. Les députés sont atteints par le scepticisme. Tous se demandent : ce pays est-il encore gouvernable ? « Cette majorité, me dit Granet, c’est Rome après Jésus-Christ ! » S’il était à la place de Chaban, il dissoudrait la Chambre sur un programme de retour à l’ordre.

    Olivier Guichard, hier, en marge du Conseil des ministres : « Vous êtes en train de vivre un moment de folie, dit-il à Chirac et à Chaban. En quelques jours, la majorité, qui était sans problème, est devenue une majorité torturée. »

    9 avril
    Vu ce matin François Mitterrand, qui m’avait donné rendez-vous chez lui à 9 heures. Il n’a pas seulement l’ambition du pouvoir, mais celui de l’Histoire. Son but : encore et encore l’élection présidentielle de 1976. Son moyen : le Parti socialiste, dont il veut être premier secrétaire ou rien du tout. Son chantage aux socialistes : si je ne suis pas premier secrétaire, je serai dans l’opposition, et faites-moi confiance, je ferai le tour des fédérations pour le dire avant les élections de 1973.
    Au-dessus de tout cela, la force de cet homme en robe de chambre rouge, dans son fauteuil de la rue Guynemer, faisant et refaisant, de là, ses toiles et ses écheveaux, candidat à l’Histoire depuis sa bibliothèque.
    Nous reparlons de Jean-Jacques :
    « Lui aussi, me dit-il, c’est la présidentielle qu’il vise, mais il ne tiendra pas cinq ans ! »
    Moi : « Et s’il tenait ? »
    Mitterrand : « Il y aurait dans ce cas trois candidatures au sein de l’opposition : Georges Marchais (il ne fait aucun doute pour Mitterrand que Marchais sera le candidat communiste en 1976), J-J S-S et moi. »
    L’enjeu : réunir dès le premier tour quatre millions et demi de voix. Le PC ferait à peu près autant. J-J S-S trouverait ses voix au centre et dans la

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