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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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mécanique. Le gouvernement a fondé son action sur la compréhension, le mouvement, la concentration. Cependant, il y a des règles du jeu à respecter, faute de quoi la liberté dégénère en licence. Lorsque les lycéens singent la grève, lorsque des insensés brûlent des livres, lorsque des cadres sont séquestrés, que les camionneurs barrent les routes, alors on entre dans la déraison. » Il ne recule pourtant pas sur le fond puisque, ajoute-t-il, « un gouvernement démocrate et libéral ne peut pas laisser l’esprit de violence s’introduire dans la société, car il n’est pas de pire poison ».
    Bref, un grand discours, où, comme me l’avait laissé entendre Delors, il a montré que ses convictions sur la « nouvelle société » étaient intactes depuis sa première allocution du 16 septembre : transformer notre société, « trop dure pour les faibles, trop complaisante aux puissants », par l’action réformatrice.
    Il est très applaudi sur la fin, mais cela n’empêche pas chacun, en sortant, de voir midi à sa porte. Pour Claude Estier, « il a caressé la majorité dans le sens du poil », tandis que, pour Roland Leroy, il a eu « recours à des procédés anticommunistes classiques ». Michel Rocard l’a jugé « désespérément classique » : « J’ai été frappé, me dit-il, par les applaudissements qui saluaient des périodes oratoires, les vœux pieux, jamais des choses précises, concrètes. » Et Maurice Faure d’ajouter qu’il ne voit pas dans ce discours de quoi apaiser la morosité des Français.
    Quant à la majorité, à peine Chaban a-t-il terminé son discours, qui se veut mobilisateur, qu’elle retourne à ses interrogations. Alexandre Sanguinetti est sceptique 20  : « Tout cela, me dit-il, c’est bien beau, mais je ne comprends pas son complexe vis-à-vis du retour à l’ordre. L’État doit briser les féodalités et il ne va pas y arriver parla concertation. » Alain Peyrefitte 21 fait la fine bouche : « Il n’a pas été mauvais, mais il faudrait aller plus loin : le fait est que la politique définie dans son discours du 16 septembre ne s’est pas réalisée. » Seuls ou presque, les réformateurs sont contents. Paul Granet, par exemple, juge qu’il a résisté à l’aile droite de l’UDR : « C’est du Chaban fidèle à lui-même. »
    Le lendemain, débat et explications de vote sans surprise, en dehors de l’intervention d’Alain Peyrefitte, assez critique, plus en tout cas que je ne l’imaginais, qui affirme les limites de sa confiance : elle n’est pas la béatitude. Il a ressenti, dit-il, quelques déceptions en écoutant le Premier ministre. Il se dit déçu de la poursuite des désordres et des violences, d’un certain ralentissement de l’action gouvernementale et de la persistante tendance de l’administration à faire traîner les dossiers... « Nous ne vous suivons pas les yeux fermés, conclut Peyrefitte, perfide, mais les yeux ouverts. »
    Bref, si Chaban n’a, à l’intérieur de la majorité, que des gens comme Peyrefitte pour le défendre, il n’ira pas loin.

    15 juin
    Tout était prêt, Mitterrand me l’avait bien dit, pour qu’il soit premier secrétaire à l’issue du congrès d’Épinay qui s’est tenu du 11 au 13 dans l’immense gymnase Léo-Lagrange. Je n’ai malheureusement pu y assister que le vendredi et le samedi, car j’ai failli accoucher samedi en fin d’après-midi sur les gradins, pendant le débat d’orientation, et ai dû rester allongée le dimanche.
    J’ai tout de même eu une impression curieuse, le lundi matin. J’avais quitté, samedi soir, le congrès en me demandant comment Mitterrand allait s’y prendre pour se faire désigner à la tête du Parti socialiste en amenant dans la corbeille de la mariée socialiste la petite Convention des institutions républicaines. Vendredi, Nicole Questiaux avait présenté le rapport de la délégation nationale chargée de l’organisation du congrès. C’est cette commission qui l’avait préparé au fil de semaines de concertation et de discussions. Dans la salle, 957 délégués, dont 800 socialistes et 97 conventionnels, le reste de l’assistance étant composé de représentants des clubs Vie nouvelle et Objectif 72. Des travées, sièges et tables rouges, une tribune dominée par une tenture rouge, avec une immense table recouverte de rouge :tout cela conférait à ce congrès de réunification une image

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