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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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majorité : en admettant qu’il ait quatre millions de voix, le second tour se jouerait dans un mouchoir de poche. D’où la nécessité, « à une voix près », d’arriver avant les deux autres. « Dans ce cas, conclut-il, l’élection est assurée. »
    Une variante est possible : l’idée qu’un centriste fort, comme le serait Jean-Jacques Servan-Schreiber, se présente et qu’il soit en mesure de l’emporter, donnerait peut-être aux communistes l’envie de foncer sur une candidature unique de la gauche au premier tour, ce qui les dispenserait de choisir une fois de plus « entre la peste et le choléra ». Ou, pire, d’avoir un président de la République centriste, car qui, chez les communistes, pourrait alors garantir que, dans ce cas, leurs propres troupes les suivraient ?
    Sur tous ces sujets, l’énergie de Mitterrand, pieds nus dans d’infâmes babouches, sentant l’eau de lavande, et venant de petit-déjeuner dans la cuisine comme il fait depuis des années...

    9 avril
    Jacques Delors à Matignon. Il sort tout fier de chez Arnys, rue de Sèvres : « Maintenant que je suis nanti, me dit-il avec malice, je m’habille chez Arnys. »
    Il juge que, au dernier Conseil des ministres, il n’a été question que de défendre l’ancienne société plutôt que de parler de la nouvelle. Pendant six mois, les institutions, selon lui, ont mal fonctionné. « Le Premier ministre a été trop gentil avec les ministres. Dans les domaines où on nous fout la paix, on a pu travailler. Pour le reste, on n’a rien pu faire. » Restent, il en convient, deux difficultés : d’abord, « l’allergie visible » entre le Premier ministre et le groupe parlementaire de l’UDR ; ensuite, le traumatisme de 1968 chez les députés : « Pour 45 lycéens sur 2250 qui ont fait du bruit, ils ont perdu leursang-froid. Le Parlement est plus désajusté que jamais à l’égard du réel. La classe politique amplifie le malaise... Sur l’idée qu’il faut une riposte graduelle aux accès de fièvre d’une société profondément perturbée, Chaban-Delmas, assure Delors, ne changera jamais d’avis. »
    Il me parle du discours que prépare le Premier ministre pour le 20 avril. Ce sera, selon lui, l’affirmation de l’homme Chaban-Delmas, de ses convictions. Pas un instant il ne croit à un complot contre Chaban. « Je crois simplement qu’il y a des gens plus ou moins bêtes qui se disent : c’est le moment de... C’est contre eux que le Premier ministre doit donner un coup d’arrêt. »
    Il balaie l’action gouvernementale depuis 1969 : les années 1969, 70, 71 ont été des années de forte expansion, de forte croissance du niveau de vie, elles ont vu un accord européen sur l’agriculture. Il y a le problème des lycéens, évidemment, que Chaban ne peut espérer résoudre seul. « Pour aller plus loin, poursuit Delors, il faut faire rêver les Français, qui, dans ce pays vieux et fier, se comportent pourtant comme Astérix en matière de politique étrangère ou européenne. »

    19 avril
    Dîner à la maison, vendredi dernier, avec Albin Chalandon 19 et Catherine. Albin Chalandon revenait du Havre, où il avait crevé de froid pour rendre une visite surprise aux dockers. Visite qui lui a appris que ses services lui présentaient un dossier truqué et que les patrons étaient plus responsables qu’on ne voulait bien le lui dire. Il a eu à la fois le culot de débarquer sur le dos des dockers en colère, sans les prévenir, et l’habileté de ne pas vouloir parler aux dockers avant d’avoir reçu leurs représentants syndicaux.

    20 avril
    Discours de Jacques Chaban-Delmas à l’Assemblée nationale. Présents au banc du gouvernement : Jean Taittinger, Billecocq, Raymond Marcellin, Jean Chamant, Roger Frey, ainsi que JacquesChirac, Maurice Schumann, Pierre Messmer et André Bettencourt. Giscard est sagement assis au second rang.
    Chaban parle de coopération, de politique européenne, puis, surtout, de sa politique. La politique contractuelle, d’abord : les accords conclus dans le service public confirment que l’entente est possible avec les syndicats en matière de réduction d’horaires et de participation à la vie de l’entreprise. Puis sa conception de l’autorité en matière d’ordre public : « L’autorité ne peut rester l’autorité que si elle sait écouter, expliquer et faire appel au sens des responsabilités plus qu’à l’obéissance

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