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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Simplement, je trouve que ce qui est fait est fait. Il n’y a jamais eu de gaullisme. Il y a eu le général de Gaulle, et puis il n’est plus là. Voilà tout. »
    Autrement, il n’a plus rien à dire. Cassé, fini, râpé.

    12 avril
    En fin d’après-midi, je prends un verre avec Maurice Faure au bar de l’hôtel Cayré, situé en bas de chez lui, boulevard Raspail. Sur ce cahier, qu’il m’emprunte le temps de rédiger ses pronostics pour le référendum, il écrit ces chiffres :

    Nous convenons qu’il est le meilleur pronostiqueur politique français si la proportion des électeurs ayant voté « oui » au référendum se situe entre 44 et 49 %.

    13 avril
    Hier, conférence de presse de Valéry Giscard d’Estaing sur le référendum proposé par Pompidou. Sujet : l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.
    Que va faire Giscard ? Et comment va-t-il le faire ? C’est toute la question. Il est européen, plus sans doute que Georges Pompidou, mais va-t-il se démarquer du président de la République, ou, au contraire, coller à lui ?
    Giscard est égal à lui-même : « Le oui à l’Europe est un oui qui vient de loin et qui ira loin. »
    Le reste du propos développe ces deux têtes de chapitre. Le « oui » vient de loin, explique Giscard : de 1957, quand la France a voté pour le traité de Rome. En passant par le 3 décembre 1967, où les clubs Perspectives et Réalités 7 ont pris position pour l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun. « Nous n’avons pas cessé, dit Giscard, d’œuvrer pour l’union économique et budgétaire. »
    Alors, demande-t-il, pourquoi un référendum ? Parce que, se répond-il à lui-même, les trois quarts des pays candidats vont recourir à cette procédure-là. La question posée reste le sujet même d’un référendum. Car un référendum a une force créatrice particulière : « Il sert à fixer l’irrévocable. »
    Quelle Europe construire ? « L’Europe, dit-il, ne sera pas un système, c’est un mouvement ! Elle ne sera pas bleu ciel, kaki ou vert espérance, elle sera, de par sa nature, faite de lumières composées. »
    Il faut dire qu’il a une allure folle. On lui demande où en est la cohésion gouvernementale, avec la position d’un Michel Debré. Il répond, superbe : « Ma préoccupation est d’assurer la cohérence de ma pensée. » Que redire à cela ?
    C’est sur la monnaie européenne qu’il paraît le plus en pointe : après avoir énuméré toutes les difficultés rencontrées depuis juin 1971 par la monnaie européenne (refus d’accord en juin, réactions divergentes sur la décision d’inconvertibilité du dollar en août, divergences de Londres en septembre, de Rome en novembre, pour finir par l’accord de Washington en décembre), il assure croire qu’« on peut considérer que l’engrenage de l’union monétaire est effectivement engagé ».

    17 avril. Déjeuner avec Olivier Guichard
    Il pense que le gouvernement n’en a plus pour longtemps. Visiblement, il s’attend à être le futur Premier ministre. Il ne le dit pas, bien sûr, mais, au formidable agacement qui le saisit lorsqu’on évoque le nom de Giscard, on comprend qu’il voit en lui son concurrent incontournable pour le poste.
    Curieux homme, ce Guichard ! Une sorte de colosse tranquille, trop tranquille, dont les bâillements fréquents sont hélas communicatifs. Il a l’air de tellement s’ennuyer dans la vie qu’on ne sait quoi faire pour le sortir de sa morosité. Pourtant, il a beaucoup d’humour, il plaît aux femmes – c’est du moins ce qu’on en dit – et a vécu auprès du général de Gaulle toutes les aventures politiques depuis la guerre. S’ennuie-t-il, privé de De Gaulle ? Ou attend-il qu’enfin son propre destin change ? Quoi qu’il en soit, les plis de son visage font penser à un de ces gros chiens à l’allure triste qui s’assoupissent dans les salons après la chasse.
    D’après lui, les rapports de Pompidou et de Giscard n’ont pas changé : Pompidou ne fait aucune confiance à Giscard, mais il a une grande admiration pour son intelligence, son savoir-faire et son talent. Donc lui, Guichard, ne croit pas a priori que Pompidou soit prêt à en faire son Premier ministre. Encore qu’il constate pensivement : « Il est vrai que Pompidou aime parler de ses idées avec des gens qui s’expriment bien. »
    À propos du référendum, il avoue qu’il ne

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