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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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ressent nulle part, au cours de ses déplacements, le moindre signe de mobilisation, et d’ailleurs il n’a pas fait de réunion publique dans sa circonscription. Il a seulement réuni les conseillers généraux pour leur parler d’adduction d’eau. Il en a profité au passage pour leur parler de l’Europe. Sa conclusion : la France rurale votera, la France des petites et des moyennes villes risque de moins voter. De Paris, il craint le pire.
    Et après le référendum, comment voit-il les choses ? « Après ? » Il sourit, mais pour masquer un léger agacement. « Après ? Rien. »
    Pas d’élections législatives, selon lui, avant la date prévue, en mars ou février prochain. Pas de remaniement ministériel, même si Philippe Dechartre 8 quitte le gouvernement. Et d’ailleurs, ajoute Arlettede la Loyère 9 qui assiste au déjeuner, il y a aujourd’hui 19 secrétaires d’État. C’est beaucoup ; une dizaine suffirait.
    L’essentiel, d’après Guichard, est que Georges Pompidou fasse l’Europe. La consultation vient à point nommé pour qu’il la façonne à son profit. Il rebondira à l’automne avec la rencontre des dix chefs d’État à Paris, où il sera le numéro un (affirmation que m’a déjà servie Chirac, ce qui montre qu’elle est préparée). Puis, avec les élections...
    Les scandales financiers et immobiliers ne reprendront pas, selon lui, parce que les Français sont saturés. « On a bien essayé, dit-il. Le Canard enchaîné s’en est pris par trois fois à Debré. Ce n’est pas allé loin. »
    À propos de Michel Debré et du référendum du 23 avril prochain, il entre dans une véritable colère à l’idée que Debré, faisant mine de ne pas entendre ce que le président de la République en dit, tente d’imposer « son » Europe à ses adversaires et aux autres gaullistes. « À quoi cela sert-il ? demande-t-il, presque indigné, On ne lui demande rien ! Il n’a qu’à s’abriter derrière les déclarations de Pompidou et le texte liminaire du référendum. Surtout, ne pas entrer dans les détails qui divisent inutilement les gaullistes et font naître des polémiques dont on se passerait bien. C’est totalement idiot de déclarer : “L’Europe de la supra-nationalité est morte”, ainsi qu’il l’a déclaré l’autre jour. Il n’en sait rien ! Pas plus que Pompidou ! »
    Je lui demande :
    « Pourquoi Debré fait-il cela ? »
    Il sourit encore :
    « C’est son côté bisque-bisque-rage, gna gna gna... »
    À propos des futures législatives (il connaît par cœur, paraît-il, la carte électorale, tout comme Mitterrand), il nous révèle que le ministère de l’Intérieur prévoit 30 à 70 députés perdus – en réalité, 50 à 100 circonscriptions perdues et 20 à 30 gagnées – ; les Républicains indépendants en perdraient autant, en proportion, que les autres et donc ne seraient pas mieux lotis que les gaullistes.
    Des élections dépendra, en fait, le choix du Premier ministre : « Si les élections sont réussies, Pompidou prendra qui il voudra. Si elles sont mauvaises, il ira peut-être jusqu’à nommer Giscard. »
    Je lui demande : « Et Edgar Faure, est-il impossible que Pompidou le choisisse ? »
    Réponse : « Il entrera de toute façon au gouvernement, mais il est âgé. » (Comme si la participation au gouvernement était une cure de jouvence, tu parles !)
    Arlette ajoutera en fin de repas, sur un mode ironique, que le problème, avec Edgar Faure, est de savoir quelle administration, quelles organisations il va démolir. « Les Affaires étrangères, plaisante-t-elle, ce n’est pas mal, car les structures du Quai sont assez solides pour résister à n’importe qui ! »
    Pas un mot, dans tout cela, sur Chaban, déjà enterré.

    21 avril
    Jacques Delors me reçoit à Matignon, l’avant-veille du scrutin. Je lui pose des questions sur l’avenir du gouvernement Chaban-Delmas, mais il me fait plutôt un bilan de son action. La période qui vient de s’écouler, me dit-il, a été marquée par plusieurs réformes importantes. Et il continuera. Il me parle de la déclaration de politique générale prévue pour les 9 et 10 mai : Chaban y fera un long discours sur ce qui a été mis en œuvre depuis qu’il est à Matignon et sur ce qui reste à faire d’ici aux élections de 1973. Il reste fidèle à son analyse de la société française et va, de ce point de vue, se démarquer ou

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