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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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immédiate, sans doute pour prouver la largeur d’esprit et le libéralisme des communistes : Georges Mamy, Hector de Galard et Jean Daniel se voient exclus du déjeuner. Privés de déjeuner comme des enfants sont privés de dessert ! Nous convenons que la question sera posée à Marchais au cours de la conférence de presse.
    Les trois orateurs arrivent : Marchais, costume gris, cravate bordeaux ; Mitterrand, costume bleu, chemise bleue, yeux rougis de fatigue ; et Robert Fabre, qui porte toujours beau, quoique, dans ces réunions tripartites, il n’apparaisse jamais que comme une sorte de figurant.
    C’est Marchais qui parle le premier, pour dire que le programme commun de la gauche est la seule réponse cohérente à la crise que traverse la France. Il dénonce l’inflation, qui, au stade où elle est parvenue, « porte atteinte au pouvoir d’achat des travailleurs » ; il condamne la « dévaluation honteuse » et l’échec du gouvernement en la matière.
    La gauche censurera-t-elle le gouvernement lors du débat qui marquera la session exceptionnelle du Parlement réunie demain 22 ?
    Là, c’est Mitterrand qui répond : « Nous demanderons, dit-il, au gouvernement de remplir son devoir, c’est-à-dire de demander la confiance. Il paraît inconcevable, ajoute-t-il, que le gouvernement demande la convocation du Parlement comme s’il s’agissait d’une visite d’après-midi entre dames du monde qui prennent le thé ! »
    Puisque Mitterrand a la parole, il la garde pour répondre aux questions sur le calendrier du Programme commun.
    Il reste, dit-il, quelques points à approfondir : la construction de l’Europe et la gestion des entreprises, notamment. Il a cette phrase qui m’intrigue : « Dans une situation mouvante, la gauche entend ne pas se laisser distancer par l’événement. »
    S’attend-il à ce qu’une crise gouvernementale s’ouvre incessamment ? Sans doute, puisqu’il ajoute aussitôt : « Le programme, tel qu’il est aujourd’hui, représente, en tant que tel, une capacité pour la gauche de gouverner. »
    D’autant que, sur le plan économique, il insiste sur le fait que la politique repose sur des données de confiance, que « les ressortspsychologiques y sont prédominants », et que, donc, si la gauche bénéficie de la confiance des Français, la crise que ceux-ci traversent sera en quelque sorte ipso facto résolue.
    Georges Mamy pose sa question à Marchais, qui jure être tombé dans une provocation de la part du journaliste et de Gilles Martinet.
    Mamy insiste : « Mais en quoi ai-je insulté le Parti communiste ? »
    Gêne de la part de Mitterrand et de Robert Fabre, qui voient dévier le cours de la conférence de presse et se demandent comment reprendre la main.
    « Pas vous, dit Marchais. Vous, je vous invite à déjeuner le 23 !
    – Je ne peux me désolidariser de mon journal, proteste Mamy ; c’est la presse qui est en cause.
    – Passons à d’autres questions », propose, presque suppliant, Robert Fabre.
    C’est alors qu’arrive à propos la question sur la présidentielle : un candidat de la gauche ou plusieurs ?
    « Nous ne sommes pas mûrs, nous, pour une élection présidentielle rapprochée, précise Mitterrand comme pour se dédouaner de tous les hommes politiques, à droite surtout (Giscard ? Chaban ?), qui alimentent les rumeurs sur la maladie de Pompidou. Nous n’avons jamais spéculé sur la santé du président de la République. Ce type d’observations, ce type d’espérances, ça n’est pas notre genre. Je trouverais déplorable toute spéculation sur un tel sujet. J’exprime des vœux pour la santé de M. Pompidou », conclut-il.
    Non sans ajouter, en se défaussant sur la question précise du nombre de candidats à gauche, qu’il existe un climat qu’il qualifie de « sain » à l’intérieur de la gauche, et qu’une seule possibilité est exclue : celle d’une division de la gauche au premier ou au deuxième tour.
    En bref, sa réponse, un peu contournée, est : qu’il y ait ou non deux candidats de gauche au premier tour, il n’y en aura qu’un au second.

    La conférence de presse se termine. Il me faut peu de temps pour apprendre que, du côté socialiste, la rencontre préparatoire à cette conférence à trois, le matin, a été plus que houleuse. Mitterrand a trouvé que le texte préparé n’était « pas fameux » : « Quand je dis cela, a-t-il ajouté, c’est une

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