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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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litote pour dire qu’il est très mauvais ! »
    On me raconte d’autre part que, la veille, le comité directeur du Parti radical a stigmatisé le comportement anti-américain de MichelJobert, lequel, a dit René Billères, « pousse son côté munichois jusqu’à refuser d’aller à Washington de peur de mécontenter les pays arabes ».
    Inutile de dire que cet échange n’a pas été rendu public et que les communistes n’en ont, évidemment, rien su.
    22 janvier
    Session extraordinaire de l’Assemblée nationale. Messmer refuse de solliciter la confiance des députés et d’engager la responsabilité du gouvernement. Pourquoi ? D’abord, dit-il, parce que c’est à l’opposition de prendre ses responsabilités. Enfin parce qu’il ne serait conforme ni à la Constitution, ni à la situation, éminemment difficile, d’engager maintenant la responsabilité du gouvernement.
    Après lui, Giscard d’Estaing parle longuement de la situation d’avant le 18 janvier 1974, où le deutschemark et le franc flottaient ensemble par rapport à toutes les monnaies et, surtout, par rapport au dollar. Or, explique-t-il, la conférence monétaire internationale attendue n’aura pas lieu comme prévu en juillet 1974. Ensuite, il y a eu la hausse récente du prix du pétrole, dont le coût a été multiplié par quatre en l’espace de trois mois. Le défit prévisible des pays consommateurs, dit-il, peut être évalué autour de 60 milliards de dollars pour 1974. Dans ces conditions, « rester dans le serpent – affirme-t-il, impeccable, brillant sans chercher à l’être, toujours compréhensible, vulgarisateur émérite – serait prendre le risque d’avoir un jour ou l’autre à nous séparer de nos réserves pour alimenter la spéculation contre le franc ou contre le mark.
    « Il était justifié, jusqu’en 1972, où le dollar s’affaiblissait, d’organiser avec nos partenaires une zone de stabilité monétaire. Quelles que soient les préférences doctrinales, conclut-il, le dispositif ne correspond plus à la situation. » Et voilà pourquoi il a été contraint de faire une parenthèse dans l’union monétaire européenne : « Parenthèse regrettable, certes, mais qui le dissimule ? »
    « Je ne polémiquerai pas », ajoute-t-il en direction de l’opposition, sans doute pour montrer qu’il n’y a pas débat. « C’est inutile. La France est un pays majeur à qui l’on peut parler. À d’autres les illusions, à d’autres les tromperies ! »
    Il a fini.
    Je note que Michel Debré n’applaudit pas.
    Il est 17 h 40 quand Mitterrand monte à la tribune. Il adopte volontairement un ton dramatique, avec le souci, qu’il expose, de « ne pas songer à la seule critique », tant la crise monétaire met en jeu les ressorts essentiels de la vie nationale. « C’est un ordre qui s’écroule, un monde qui se dissout. De cet ordre, la France n’était pas responsable ; de ce monde, elle n’était pas le régisseur. »
    Alors, qui est responsable ?
    « Le premier fauteur s’appelle l’impérialisme, il est le pire : l’impérialisme de l’argent... C’est le grand capital, poursuit-il, qui s’est appliqué à réduire l’Europe des Neuf à une zone de libre-échange. Depuis samedi dernier, c’est fait. Ce n’est pas le jour de dresser la liste des responsabilités de cet assassinat. »
    Ce n’est peut-être pas le jour, mais il le fait immédiatement, tout en maintenant qu’il ne reproche pas au gouvernement les mesures de circonstances prises sous la pression de l’événement. Ce qu’il lui reproche, c’est de n’avoir jamais défini une position d’ensemble : « Vous vous êtes d’abord accroché à votre ligne bleue des Vosges de la convertibilité. Vos bulletins de victoire ne vous ont pas empêché de vous retrouver sur la Loire, puis sur la Garonne, puis sur les Pyrénées ! »
    C’est sans doute un des discours les plus inattendus de Mitterrand à l’Assemblée depuis longtemps, parce qu’il ne choisit généralement pas le terrain économique pour porter ses coups. Les communistes écoutent bouche bée – avec béatitude – cette condamnation du grand capital et de l’impérialisme américain. D’autant que Mitterrand, s’il peut admettre la politique de flottement, réclame avec vigueur une « politique d’accompagnement et de compensation » pour les catégories « sociales écrasées ».
    En guise de conclusion, il

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