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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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leur majorité, pour les républicains indépendants. Tout simplement – et c’est tout à son honneur –, il croit nécessaire, dans la société d’aujourd’hui, de mettre la loi en accord avec l’usage : à 18 ans, on est une personne, même si on ne vote pas pour lui. C’est courageux. Il s’en mordra les doigts.

    Un peu plus tard dans la journée, Roger Frey me parle de son dernier entretien avec Pompidou. Il était au Kenya, à la fin de févrierdernier, lorsque Olivier Guichard l’a appelé au téléphone. Il lui a dit dans une sorte de langage codé : « On [le on, c’est Pompidou] me demande si tu ne veux pas aller au Palais-Royal ? »
    Roger Frey ne saisit pas ce que veut lui dire Guichard.
    « Quoi faire ? demande-t-il, imaginant mal ce qu’il pourrait avoir à faire dans les jardins du Palais-Royal.
    – Au Palais-Royal ! insiste Guichard. Il y a de très belles choses dans le Palais-Royal, essaye de comprendre ! »
    Frey comprend enfin qu’il s’agit de lui proposer la présidence du Conseil constitutionnel. Il demande une journée de réflexion, car cela revient à dire en réalité qu’il doit abandonner la vie politique.
    Pierre Juillet le rappelle le lendemain et insiste. Frey accepte à condition de pouvoir en parler avec Pompidou. Rendez-vous est pris pour le lundi : deux jours avant, le Journal officiel publie néanmoins sa nomination.
    Le premier lundi de mars, il est reçu par Pompidou, qui lui tient ce langage : « Je vous demande de prendre ce poste pour deux raisons. La première est une raison d’État : il peut toujours se passer quelque chose. La seconde, c’est que, contrairement à ce qu’on vous a dit, contrairement peut-être à ce que vous croyez en ce moment, j’ai beaucoup d’affection pour vous. » Il conclut : « On a été très injuste avec vous. »
    Outre la phrase « Il peut toujours se passer quelque chose », qui a donné à Roger Frey l’impression que Pompidou se savait alors plus malade qu’il ne voulait le reconnaître, Frey reste incapable, aujourd’hui encore, de se donner à lui-même une réponse : Pompidou a-t-il voulu l’écarter de Chaban-Delmas, empêcher qu’il reste son conseiller personnel, bref le neutraliser ? À cette question, il répond donc : « Je ne peux rien en dire, car Pompidou est mort. Et je ne veux pas insulter sa mémoire. »
    C’est l’aveu de ce qu’il pense, en fait : oui, Pompidou l’a écarté.
    10 juillet
    Réunion des secrétaires fédéraux du Parti communiste. À la tribune, Claude Poperen, le frère de Jean, chemise à carreaux bleus et blancs, cheveux courts ; Paul Laurent et Gaston Plissonnier, inchangés tous deux ; André Vieuguet.
    C’est vraiment très intéressant : la plupart des secrétaires fédéraux font état de leurs difficultés sur le terrain. Celui du Lot-et-Garonne parle de « problèmes pour intégrer des forces nouvelles parmi les camarades qui tiennent le parti depuis tant d’années. Dimanche soir, raconte-t-il, après la Fête de la Fédé, des camarades qui avaient un peu bu m’ont dit : “Ouais, ces huit cents adhérents nouveaux dont tu parles, on va bien voir ce qu’il va en rester dans quelque temps.” Les jeunes viennent nombreux chez nous, poursuit-il, ils ressentent de façon très vive les problèmes nouveaux, ils sont d’une sensibilité politique extraordinaire : ce serait une erreur d’attendre qu’ils aient des années d’appartenance au parti pour leur confier des responsabilités. C’est une situation que nous avons connue à la Libération. Le parti avait été décapité, il nous a jetés, nous, les jeunes d’alors, dans les responsabilités. Nous étions au bord de la piscine, on nous a jetés à l’eau. Il faut pousser à l’eau les jeunes d’aujourd’hui de la même façon ! »
    Cravate orange et veste beige, le secrétaire fédéral du Rhône parle également du nombre d’adhésions faites par le PC (683 depuis l’élection de Giscard), parmi lesquelles 49 % d’ouvriers et 26 % d’employés. « Je partage ce que les autres fédéraux disent sur la promotion des jeunes cadres : je reviens au manque d’audace, à la timidité de certains camarades... »
    Je comprends que, puisqu’au PC rien n’est vraiment spontané, ce débat a été organisé pour essayer de recoller les nouveaux et les anciens adhérents, les vieux et les jeunes, les vrais militants et ceux qui le sont moins, que la vie actuelle

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