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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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position de force. »

14 juin
    Chirac à Matignon, très en forme, légèrement amaigri : son visage a repris les angles de sa jeunesse.
    Il me tient un discours extraordinairement optimiste et surprenant sur son idylle avec Ponia : Ponia n’est plus le même homme, il a surmonté son antigaullisme et son antipompidolisme. La majorité présidentielle est véritablement soudée autour des trois personnages-clefs que sont le président de la République, son Premier ministre et Michel Poniatowski. À n’y pas croire !
    Nous parlons des élections législatives. Y en aura-t-il ou pas ? Sont-elles au programme, ou Giscard y a-t-il renoncé ?
    « Personne n’a a priori de date, me dit-il. Il faut d’abord consolider la majorité présidentielle au Parlement et dans le pays. Ponia agit sur les réformateurs et le centre démocrate, moi sur l’UDR. Tout dépend du comportement de l’UDR : si elle est loyale, pas de problème. »
    Ce qu’il veut me dire, je le décrypte, c’est que, avant de procéder à des élections législatives, Giscard veut être sûr que les gaullistes ne vont pas préférer voter pour un député socialiste uniquement pour montrer leur mauvaise humeur après la division de la majorité à la présidentielle... Quant à Chirac, il préfère se donner le temps de laisser sa cote personnelle remonter à l’UDR.
    Et s’il y a un problème un jour avec Giscard d’Estaing ? Il me répond : « J’ai toujours dit que, dans ma conception, il n’y avait pas de divergence entre le Premier ministre et le président. S’il y a divergence, le Premier ministre démissionne. Quand on l’a dit aussi haut que je l’ai dit, il faut le faire. »
    Et l’UDR, que veut-il en faire ? La réponse tombe. Autant je doute de sa conversion à Poniatowski, autant, là, je le crois, je le sais sincère : « Dans deux mois, je ferai un putsch sur l’UDR. Les barons sont morts sur le champ de bataille. Le mouvement est à prendre. »

    Pourquoi y tient-il tellement, à l’UDR ? Il n’y a jamais adhéré, pas même en 1967, lorsqu’il s’est présenté pour la première fois auxlégislatives. D’où la surprise de beaucoup de ses farouches adversaires gaullistes, qui parlaient, après la déclaration des « 43 », pendant la campagne présidentielle, de l’ exclure de l’UDR. Chirac n’avait pas, n’a jamais eu, jusqu’au jour d’aujourd’hui, sa carte du mouvement !
    D’ailleurs, je me suis toujours posé des questions sur son gaullisme. En 1968, je ne l’ai pas vu se mobiliser derrière de Gaulle : il était déjà tout entier dans le camp de Pompidou et ne cachait pas, le jour de Baden-Baden où je l’ai croisé dans la salle des Pas-Perdus de l’Assemblée nationale, sa préférence pour une présidence Pompidou. Plus tard, en 1969, je ne l’ai pas vu faire campagne pour le référendum : il pensait que, si le Général était battu, Pompidou le remplacerait sur-le-champ. Ce qui s’est d’ailleurs passé.
    Aujourd’hui, lui-même me le dit, Chirac est décidé à reprendre, à son heure, le mouvement gaulliste. Pourquoi donc, si ce n’est pas par fidélité ? C’est qu’il pense d’abord que 180 députés gaullistes à l’Assemblée nationale, ça n’est pas rien. « Sans eux, me dit-il, sans une partie d’entre eux, même, le désordre s’installe à la tête de l’État. Pas moyen de faire passer un projet, une réforme, si c’est dans un climat de guerre avec l’UDR. »
    Là-dessus, me dit-il, Giscard pense comme lui. D’où son recul à propos de l’entrée de Françoise Giroud au gouvernement, alors que, me confirme-t-il, il était hostile à cette idée : « Jean-Jacques Servan-Schreiber, l’UDR l’avait accepté parce que tout le monde s’y attendait. Françoise et Jean-Jacques, c’était trop : c’était L’Express au gouvernement ! »
    Il a un culot d’acier de me dire cela alors qu’il me reçoit en tant qu’envoyée de L’Express  ! Mais passons, cela m’amuse plutôt, lui aussi...
    Sa volonté de reprendre l’UDR va plus loin : il veut certes la reprendre, mais pas uniquement, me semble-t-il (même s’il ne le dit pas), pour faire plaisir à Giscard. Il veut la reprendre pour lui .
    Si Giscard croit qu’il suscite chez Chirac le même dévouement aveugle, la même fidélité passionnée qu’il avait pour Pompidou, vraiment il se trompe ! Chirac mange comme quatre, dort cinq heures par nuit, boit des litres de café

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