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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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secrétariat général. Ce qu’avait accepté Sanguinetti, toujours pour assurer l’unité de l’UDR.
    Version Sanguinetti : avant la réunion du bureau politique, Michel Debré entraîne Chirac dans un coin et lui demande d’accepter, à ses côtés, un « consistoire » formé en majorité des « barons ». Chirac remonte à la tribune et Sanguinetti lui demande ce qu’il a décidé.
    « J’hésite, lui répond Chirac
    – Alors, écoute-moi bien : ma démission n’est pas écrite. Mais je la reprends si tu acceptes la proposition de Michel Debré.
    – Ça règle le problème ! » fait Chirac qui décline l’offre – empoisonnée, il est vrai – de Michel Debré.
    Il me rapporte une conversation qu’il a eue avec Jacques Chirac il y a environ trois mois – difficile à dater : disons en octobre ou en décembre dernier :
    « Écoute, lui dit Sanguinetti, dans la Constitution, il y a les articles 20 et 21, qui disent que c’est le Premier ministre qui détermine et conduit la politique de la nation. Tu pourras toujours t’en servir contre Giscard, s’il est faible. Et l’article 8 peut te servir aussi, s’il le faut 5 .
    – Tu vois, répond Chirac, je fais tout ce que je peux pour les appliquer, ces articles. Mais je le ferai sans heurts avec Giscard. »
    Avec Giscard, peut-être, mais avec les giscardiens ?
    « Ils n’existent pas, tranche Sanguinetti. Giscard est un phénomène aberrant. Les Républicains indépendants correspondent à une caste sociologique en voie d’extinction. Le problème, ce sont les Français, les travailleurs, les salariés. C’est à l’UDR de s’occuper d’eux. »
    Il repart sur Giscard. Selon lui, il n’a pas le sens de l’État. En désacralisant l’État, il obéit à un réflexe de grand bourgeois. Mais, dans un pays qui a changé dix-huit fois de régime en 180 ans, il est dangereux de désacraliser, de désymboliser l’État, et de faire exploser les cadres de la société.
    « La plus grande partie des gens de l’UDR, me dit-il, sont aujourd’hui derrière Chirac parce qu’ils pensent avoir trouvé l’antidote à Giscard : c’est la principale raison de l’actuel attachement du plus grand nombre d’entre eux à Chirac. Il en est d’autres, bien sûr ; il faut faire la part de la lâcheté des hommes, qui s’accommodent aussi très bien de ce que Chirac soit Premier ministre de Giscard et pensent qu’ils pourront en profiter, qu’ils en profiteront – vous savez, le Führerprinzip ... Tout cela fait de Chirac un présidentiable. Poniatowski n’y changera rien : c’est Chirac et pas lui qui a les clefs de la majorité. »
    Nous parlons ensuite longuement des communistes. Curieux : je n’en parle en général jamais avec les hommes politiques de la majorité. Ils n’en parlent pas non plus. Comme si cela ne les intéressait pas, les communistes, comme s’ils ne les regardaient pas. Je suis d’ailleurs étonnée quand je me prends à mesurer l’ignorance que la majorité a de l’opposition ; et la méconnaissance que celle-ci, en sens inverse, a de la majorité.
    Sanguinetti aime l’histoire. Et il est gaulliste, c’est-à-dire qu’il ne voit aucun mal à gouverner avec les communistes, comme de Gaulle le fit en 1944, et qu’au surplus il a dû jauger, sur le plan international, l’évolution de l’URSS et du monde communiste.
    « Pendant six mois, me dit-il, depuis les élections en tout cas, je me suis demandé ce qui arrivait aux communistes. Ce qui est certain, c’est le repli sur soi de l’URSS. Pourquoi ? Ce qui fédère entre elles les Républiques socialistes, c’est une certaine foi, une certaine conception du monde moderne. S’ouvrir trop largement, c’est forcément faire éclater cet univers. D’où le repli des Soviétiques qui onteu peur que leur univers explose et qui préfèrent fermer les portes sur le monde extérieur. À terme, cela veut dire non la reprise de la guerre froide, mais la reprise du terrorisme international. »
    Question : alors, quel avenir pour la gauche ? « Une victoire de la gauche, me dit-il, ce serait une victoire à la portugaise. » Il veut dire : la mise en place d’un système anarchique et caporalisé. Je lui dis qu’au contraire l’attitude des communistes à l’égard des socialistes français peut favoriser l’existence d’une gauche de gouvernement responsable, capable de gérer le pays. Il n’y croit pas une seconde : « Ce

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