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Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1965-1977 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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aux grandes questions de politique nationale. Il fait parler l’un, puis l’autre. Sent confusément qu’un autre, en bout de table, s’agite et lui adresse la parole :
    « Et vous, qu’en pensez-vous ?
    – Hé, je pense qu’au lieu de dire : il faut 50 millions de francs ici, 20 millions là, il faudrait dire à quoi sert quoi, et pourquoi il faut des millions pour le faire.
    – Bien sûr, dit Mitterrand, vous avez mille fois raison ! »
    Bon, en voici un dont la mauvaise humeur, d’un coup, retombe. Dans la poche ! L’un après l’autre, il les regonfle, les motive. Jusqu’à la recommandation finale, qu’il ne s’applique pas à lui-même :
    « Pas question pour aucun d’entre vous de partir avant la fin. Sinon, nous allons être battus au vote final du budget ! »
    Lui, il est obligé de partir. Le bureau exécutif du PS, le dernier avant le congrès socialiste qui approche, est programmé dans la soirée à Paris. Privilège du leader national : l’idée qu’il leur faille rester tandis qu’il s’en va leur paraît dans l’ordre naturel des choses.
    Comme il y a de la bagarre dans l’air, il ne repart cependant pas tout de suite. Il rentre en séance. Il est obligé de rester pour faire passer le projet du canal du Nivernais. Tant pis, une voiture l’attendra pour qu’il soit revenu à temps à Paris.
    Le débat s’engage sur le canal : un milliard en dix ans. C’est sur ce chiffre que s’engage la discussion. Inutile de dire que les adversaires de Mitterrand – communistes, UDR et RI – se mobilisent.
    Au déjeuner, Mitterrand a fait cette recommandation aux siens : « Laissons parler Barbier longtemps, et après nous mènerons la contre-offensive à toute allure. »
    François Mitterrand ne dit pas un mot pendant que ledit Barbier parle. Le laisse sans impatience sortir l’un après l’autre tous ses arguments : c’est trop cher, ce n’est pas du tourisme populaire, les bateaux sont trop onéreux, le tunnel du canal peut s’écrouler, les gens qui font du bateau ne laissent pas un sou au commerce local.
    Mitterrand le laisse continuer longuement, trop longuement. Quand l’assistance commence à s’ennuyer, il contre-attaque. Répond sur tout sans s’énerver, et même, je dois dire, d’assez bonne humeur.
    Il sollicite le vote sur les rapports 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31. Un seul moment de tension dans ces scrutins qu’il ouvre à toute allure ; lorsqu’un élu communiste essaie de faire traîner les choses, il le prévient : « Bon, si vous voulez faire traîner les choses, on verra qui est le plus résistant ! »
    Je raconte tout cela, qui n’est évidemment pas capital, pour montrer simplement que Mitterrand, dans la Nièvre, se comporte exactement comme Mitterrand à Paris : il ne laisse rien passer, se bat comme un chien, prépare ses attaques et ses contre-attaques. Rien n’est secondaire à ses yeux, aucune victoire, aucune défaite, aucun combat.
    Lorsque la DS de la préfecture nous ramène à Paris, le soir tombe, il pleut. Voilà ce qu’il me dit :
    Sur le PC : « Vous m’énervez à me poser tout le temps la même question : les communistes, les communistes !... C’est comme si vous me demandiez : est-ce que ça vous ennuie que Chirac soit secrétaire général de l’UDR ? »
    Je proteste en riant : « Non, cela, je le demande aux Républicains indépendants, qui sont associés à l’UDR. Vous, vous êtes associé au PC dans le programme commun. Donc, effectivement, je vous pose la question à vous. »
    Il consent à parler sérieusement : « Mon problème, me dit-il, ça n’est pas les communistes. Mon problème, c’est de créer un parti fort, pas un parti d’amateurs. Un parti avec des permanents dans chaque département, un local par département. Et surtout il me faut un bon manager, quelqu’un qui manie les finances en professionnel. »
    (Parenthèse : il ne parle pas du ou des financiers actuels du parti, mais André Rousselet m’a dit l’autre jour que l’achat du nouveau siège du PS, place du Palais-Bourbon, ne lui a pas donné une très bonne impression du sens des affaires des dirigeants socialistes.)
    « Et puis, poursuit-il, mon but est que le PS devienne un grand parti, avec 25 % de l’électorat, qu’il soit plus fort à gauche que le Parti communiste. À partir de ce moment, je serai à moi seul l’alternative. Et le seul fait que je le sois suffira à bouleverser les

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